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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 septembre 1854.

L’intérêt du moment reste plus que jamais concentré vers l’Orient, sur la Crimée et Sébastopol. C’est là que le regard de l’Europe est fixé, attendant l’issue de l’expédition commencée. Les armées alliées, parties dans les premiers jours de septembre, ont débarqué sans trouver de résistance, sans combattre, sur le sol russe, à Old-Fort, et ont marché immédiatement sur Sébastopol. À cette heure même, des événemens décisifs sont probablement accomplis. Malgré tout ce qu’il y a d’imprévu dans cette guerre, et quoique les forces de la Russie, toutes les fois qu’on a pu les aborder, aient singulièrement perdu de ce prestige que leur prête l’inconnu, il ne faut point compter sans doute sur un facile succès. C’est la citadelle de la puissance russe dans la Mer-Noire que nos soldats attaquent en ce moment, et une coïncidence étrange a placé, pour défendre cette citadelle, le hautain envoyé du tsar à Constantinople, le prince Menchikof lui-même. Le résultat de la campagne de Crimée, en le supposant favorable, comme il faut le croire, doit donc être d’un grand poids. Il peut changer la face de la guerre ; il peut aussi exercer une sérieuse influence sur le reste de l’Europe, sur ce qu’on peut appeler la partie diplomatique de la crise où nous sommes. Il faut souhaiter surtout qu’il mette un peu d’ordre et de netteté dans la politique de l’Allemagne, travaillée jusqu’ici par des tendances contraires et livrée à des tiraillemens qui se résolvent pour la Prusse dans l’inaction, pour l’Autriche dans une action qu’il est permis encore de ne point croire proportionnée à la grandeur de la question, ni même à la grandeur du pays qui la pratique. Ce n’est point que nous méconnaissions la position avancée prise par l’Autriche et les garanties sérieuses qu’elle a données à l’Europe. L’Autriche peut avoir une manière autrichienne de comprendre la question qui s’agite sur le Danube et dans la Mer-Noire. Dans le fond cependant, elle veut évidemment ce que veulent l’Angleterre et la France ; elle ne veut point de ce