Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et à ce propos nous rappellerons les effets extraordinaires qui résultent de la configuration du lit de la Seine dans la portion qui s’étend de Quillebœuf à Caudebec. Par une fatalité incroyable, le public de Paris connaît à peine le magnifique spectacle de ces grands mouvemens de masses liquides qui sont célèbres dans la Saverne, dans l’Humber et dans la Dordogne, comme aussi à l’embouchure nord de l’Amazone et dans l’une des bouches occidentales du Gange. Le samedi 7 octobre 1854 sera un jour privilégié pour ce magnifique déploiement des forces motrices du soleil et de la lune, et pour ce soulèvement de l’océan, qui leur obéit; deux fois dans la journée du 7 octobre, la mer viendra se précipiter en nappe roulante contre les quais de granit de Quillebœuf à l’heure et à la minute inscrites depuis plusieurs années dans les éphémérides astronomiques. Les curieux arrivant le vendredi 6 par le bateau à vapeur de Rouen au Havre auront deux fois ce spectacle à Quillebœuf le samedi 7, et ceux qui reviendront le dimanche matin vers Paris par les mêmes bateaux auront encore avant leur départ une troisième exhibition de cet envahissement prévu de la terre par l’océan. Là sont ces plages que la terre et la mer revendiquent alternativement, suivant la belle expression de Lucain :

Quàque jacet littus dubium quod terra fretumque
Vindicat alternis vicibus.

Ainsi que nous l’avons dit, la météorologie est une science tout à fait moderne. Ses progrès dépendaient de ceux de tant de sciences diverses, qu’elle a dû naturellement les suivre dans l’ordre chronologique de son développement : la mécanique, la physique, l’optique, le magnétisme, la chaleur, l’électricité, la chimie, la géologie, la minéralogie et la géographie physique lui servent de base. Ajoutez-y l’art d’observer dans les voyages, que nous devons au doyen octogénaire des savans, M. de Humboldt, qui est aussi le premier des connaisseurs de la nature, et vous ne serez pas étonné que l’on soit encore si peu avancé dans cette science, qui naguère n’était rien, et qui sera un jour presque tout, comme le globe qui forme son domaine.

Donc, pour poser une question que les générations futures, en accumulant les travaux de la pensée et ceux de l’expérience, seront encore bien des siècles à résoudre, imaginons que sur un grand nombre de points du globe systématiquement choisis l’on place des observateurs qui fassent connaître pour chaque jour la marche des courans de l’air et la quantité totale de déplacement des masses atmosphériques avec toutes les circonstances de transparence ou de brouillard, de chaud ou de froid, de sécheresse et d’humidité, et avec les retours de ces mêmes courans : on saura à chaque date où en est de position cette grande mer aérienne sans rivages qui enveloppe le globe entier, on saura d’où vient chaque partie et où elle va, ce qu’elle a pris dans sa course d’influences météorologiques, et ce qu’elle va porter dans les régions qu’elle va aborder; on pourra donc prévoir d’avance l’effet qu’elle y produira, et se guider là-dessus pour les soins de la santé publique et privée, pour l’élève des bestiaux et les semis ou plantations agricoles d’hiver, d’été