maladie du blé serait bien autrement fatale que la maladie actuelle de la vigne ; mais elle ne semble pas à craindre d’après ce qui vient d’être dit. Au reste, à mesure que le globe se peuplera, la culture des céréales et des plantes à fécule en des lieux fort éloignés permettra, dans les années de disette, de s’approvisionner dans des localités étrangères qui n’auront pas éprouvé les mêmes circonstances de stérilité. Plusieurs personnes ont peine à concevoir comment le blé, qui dans les latitudes moyennes de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique, donne des récoltes si abondantes et si précieuses, ne peut fructifier dans les contrées intertropicales, où le manque d’hiver semblerait devoir favoriser le développement de la plante. À cela il est facile de répondre que c’est précisément le manque d’hiver qui réduit le blé semé dans la zone torride à l’état d’herbe qui se reproduit par rejetons et non par graines. En effet pour le blé, comme pour mille autres plantes annuelles, la graine est un moyen de perpétuer l’espèce d’une année à l’autre, puisque chaque individu meurt au bout de la saison de son développement, tandis que dans les pays chauds, où la vie persiste dans la plante plusieurs années, comme chez nous dans le gazon, et où la propagation se fait par rejetons latéraux, la plante ne monte point en épis et ne donne point de récolte de grains. Sans doute plusieurs plantes herbacées des climats plus chauds que le nôtre passeraient à l’état de plantes à graine en se naturalisant chez nous et en devenant plantes annuelles. Nous touchons ici à une des parties les plus intéressantes de la météorologie. En voyant l’acclimatation du sucre, du café et du blé dans les Indes occidentales, celle du maïs et de la pomme de terre chez nous, on conçoit tout ce qu’on peut espérer de ce genre d’acquisition de richesse, tant par la naturalisation des animaux que par celle des plantes.
Le moment viendra plus tard d’explorer d’autres parties de ce vaste ensemble qui forme le domaine de la météorologie. Je ne dirai aujourd’hui qu’un mot sur l’acclimatation de l’homme lui-même dans des contrées nouvelles, et je choisirai pour exemple la population actuellement si prospère des États-Unis. Il n’y a pas encore un siècle que, pour assurer la santé des jeunes gens de l’un et de l’autre sexe, on les envoyait passer en Europe le temps de leur adolescence. Plusieurs villes de France avaient leurs pensionnats pleins de ce qu’on appelait alors des créoles, quoiqu’ils n’eussent dans les veines aucune goutte de sang indien. Aujourd’hui même encore, depuis que la culture a assaini le sol, et quand la population longtemps décimée s’est pliée aux exigences du climat, la vie moyenne est sensiblement plus courte aux États-Unis qu’en Europe. On sait encore que la race dominatrice des Mamelouks n’a jamais pu se reproduire en Égypte. Ce sont là de frappans exemples d’influences météorologiques sur lesquelles le monde administratif comme le monde savant devra avoir les yeux constamment ouverts, même pour une localité aussi voisine que l’Algérie.