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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 décembre 1854.

On a vu comment se sont déroulés jusqu’ici les événemens, avec quelle terrible et impérieuse logique s’est développée la crise qui est venue précipiter l’Europe dans les difficultés et les émotions d’une lutte formidable. À chaque période de cette crise, il y a toujours eu un moment de halte en quelque sorte où l’on a pu se demander si on approchait d’un dénoûment pacifique, ou si on allait se trouver de plus en plus en face de cette nécessité obstinée de la guerre. Seulement, à mesure que ces périodes se succédaient, les complications s’aggravaient, les antagonismes prenaient des proportions plus sérieuses, les solutions devenaient plus difficiles. C’est ainsi qu’on est passé du conflit diplomatique soulevé par la mission du prince Menchikof à la guerre entre la Russie et la Turquie, de la médiation représentée par la conférence de Vienne à une intervention plus directe et plus active, d’une paix de quarante ans entre tous les grands états de l’Europe à une rupture déclarée entre la Russie d’une part, la France et l’Angleterre de l’autre, — la Prusse et l’Autriche restant encore à la tête de l’Allemagne spectatrices d’une lutte dans laquelle les attirait la responsabilité de leurs premiers engagemens. Nous touchons aujourd’hui à ce qu’on peut considérer comme la dernière période de cette lutte restreinte, à la limite extrême au-delà de laquelle la guerre s’étendra nécessairement à toutes les puissances, si l’empereur Nicolas, éclairé par une lueur de sagesse, n’obtempère pas aux conditions dans lesquelles l’Europe a placé la garantie de sa sécurité. Cette limite, c’est le traité signé le 2 décembre à Vienne qui la pose en réunissant l’Autriche, la France et la Grande-Bretagne sur un terrain commun, sous la sanction d’une alliance plus étroite et plus effective. Le Moniteur annonçait le succès de cette négociation le lendemain même. Il y a deux jours, la reine d’Angleterre notifiait cette transaction nouvelle au parlement assemblé. Les ratifications sont échangées à l’heure qu’il est ; le traité du 2 décembre est un fait accompli ; il domine tout en ce moment. Or dans quelles conditions ce grand