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valait, dans les premières années du XVIe siècle, trois fois au moins ce qu’elle vaut aujourd’hui, c’est-à-dire trois fois 4,720 francs, ou 14,160 francs. Pour la peinture de la frise dans la même église, le Corrège reçut 60 sequins. On s’étonne à bon droit des modestes conditions acceptées par ce maître illustre, quand les peintures de l’abside dans l’église de la Madeleine à Paris ont été payées 80,000 fr., car, même en triplant le salaire d’Antonio, nous n’arrivons pas à trouver le quart de cette somme. À l’époque où vivait le Corrège, les peintres ne rêvaient pas l’oisiveté des grands seigneurs ; pour eux, le travail n’était pas seulement un moyen de subvenir aux besoins les plus impérieux de la vie, c’était aussi un bonheur. Ils se contentaient volontiers d’un salaire modique dans l’espérance d’obtenir bientôt des travaux plus importans. Ce fut là sans doute la raison qui décida le Corrège à peindre la coupole de San-Giovanni pour 472 sequins, et son espérance ne fut pas trompée, car on lui offrit 1,100 sequins pour peindre la coupole du dôme, c’est-à-dire de la cathédrale de Parme, somme qui représenterait aujourd’hui 33,000 fr. Pour estimer l’importance réelle de ces peintures murales, il convient de savoir que, dans l’église de San-Giovanni, le Corrège peignit, outre la coupole proprement dite, les pendentifs et les piliers de cette coupole, ainsi que la tribune, ce qui pour les Italiens signifie l’abside ; Il devait pareillement dans la cathédrale peindre la coupole et la tribune ; mais, justement blessé dans son orgueil par les railleries impertinentes d’un marguillier, il abandonna la seconde partie de sa tâche. Le facétieux marguillier ne voyait dans la coupole de la cathédrale qu’un plat de grenouilles. Ce bon mot charmant, qui égaya les fabriciens, nous a privés d’un chef-d’œuvre. Aujourd’hui parmi nous il se trouve encore des marguilliers facétieux, mais les peintres ne se laissent pas décourager par une plaisanterie, si triviale qu’elle soit : ils comptent sur les gens d’esprit pour les venger des sots, et c’est à coup sûr le parti le plus sage ; cependant la colère et le décourage, ment du Corrège ne doivent pas nous étonner.

Parmi les tableaux dont le prix nous est connu, il nous suffira d’en citer trois qui jouissent à bon droit d’une renommée européenne : la Vierge au bas-relief, le Saint Jérôme et la Naissance du Christ. Le premier de ces tableaux, que les Italiens appellent la Vierge au saint Antoine, fut exécuté pour l’église de San-Francesco à Correggio et payé 100 sequins. Il représente la Vierge assise sur un trône entre des colonnes d’ordre ionique. Au pied du trône sont placés saint François, sainte Catherine d’Alexandrie, saint Jean-Baptiste et saint Antoine de Padoue. C’est aujourd’hui un des plus beaux ornemens de la galerie de Dresde. Le Saint Jérôme, qui se voit encore dans le musée de Parme et qui porte le nom de ce grand