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malhonnête pour avoir un plaisir ! ne jamais souiller ni son nom ni sa signature d’un mensonge ! l’honneur qu’il faut que la jeunesse garde intact à la vieillesse, dont c’est la plus belle couronne ! et à côté de votre honneur, qu’il ne faut pas livrer aux étrangers, les années de votre jeunesse, qu’il ne faut pas non plus donner en proie aux méchans, car c’est votre patrimoine, et votre âge mûr ne récoltera que ce qu’aura semé votre jeunesse. Défendez donc, défendez votre nom et votre temps, ces deux grands dépôts qui vous sont confiés et dont l’avenir vous demandera compte. Mais comment me défendre, comment me sauver ? dites-vous. Écoutez la parole de salut : « Buvez de l’eau de votre citerne et n’allez pas aux puits étrangers, » c’est-à-dire ne quittez pas votre famille, non son séjour, mais son esprit ; aimez la vie domestique, et une fois marié avec la femme que vous avez choisie pour votre compagne, qu’elle vous soit tonjours chère et sacrée, que son amour soit votre joie et votre honneur ! Lætare cum muliere adolescentiæ tuæ. Lorsque Salomon a opposé l’amour conjugal à l’amour libertin, rassuré par ce contraste, il ne craint plus de peindre la courtisane, ses amours et ses dangers. Ce n’est plus en vérité le poète ou le prophète qui va parler ; c’est un vieillard, un père peut-être, le soir appuyé sur sa fenêtre, songeant à sa vie qui s’écoule et regardant les jeunes gens qui passent, de fenestrâ enim domûs meæ per cancellos prospexi. — Et moi-même à ce moment, pourquoi ne le dirais-je pas ? m’appuyant sur ma chaire et regardant ces générations de jeunes gens qui se succèdent chaque année sur les bancs et dont les visages toujours frais m’apprennent comme les feuilles de chaque printemps que j’ai une année de plus, moi-même je continuais la lecture, ne sachant plus, pour ainsi dire, si c’était moi ou la Bible qui parlait, tant j’étais dans les sentimens du livre et tant j’y sentais mon auditoire.

Qu’on me pardonne de m’être laissé aller à ces souvenirs du commentaire que je faisais de Jean-Jacques Rousseau à l’aide de la Bible. Il y a dans ces peintures des livres saints tant de vérité et tant de poésie en même temps, elles sont si bien d’un poète et d’un moraliste, que, persuadé comme je le suis que la principale mission du professeur est d’enseigner à la fois ce qui est bon pour l’esprit et ce qui est bon pour le cœur, je ne pouvais pas résister au plaisir de lire soit dans Rousseau, soit dans la Bible, ce qui s’adressait si bien par l’éloquence et par la poésie à l’âme et au cœur des jeunes gens, et leur donnait l’avertissement le plus approprié à leur âge sous la forme la plus appropriée à leur imagination.

Du soin des mœurs, Rousseau passe à l’entrée dans le monde et à l’entrée dans les affaires ou au choix d’un état. Trousseau se plaint du peu de rapport qu’il y a ordinairement entre l’éducation des