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points délicats sur lesquels les opinions se rencontrent. Il y a deux argumens qui se combattent et deux conclusions opposées qui s’en déduisent. Ce sont ces points qui méritent l’attention la plus spéciale. Nos deux physiciens sont arrivés chacun à ce moment critique, à ces deux argumens qu’ils produisent chacun de son côté, à ce dilemme qui va décider la conclusion, et chacun d’eux hésite pendant si longtemps, qu’à deux époques séparées de leur existence ils admettent alternativement l’une et l’autre des solutions. C’est donc là le nœud qu’il faut trancher, et Melloni le fait nettement par des épreuves irrécusables. Je cite la plus simple.

Il examine l’effet que produit une lame d’alun sur les rayons calorifiques obscurs, et il reconnaît qu’elle les arrête tous indistinctement. Alors il tamise à travers cette lame le rayonnement envoyé par une lampe, et le faisceau qui en sort se réduit à un ensemble de couleurs lumineuses dépouillées de tout rayon obscur. Ce faisceau peut être dirigé sur des verres transparens, et il les traverse en totalité sans éprouver aucun affaiblissement dans son intensité lumineuse ou dans son intensité calorifique. Toute inégalité entre les deux effets a disparu : la transcalescence est devenue égale à la transparence.

Pour ne point quitter ce sujet sans avoir épuisé toutes les réponses que l’expérience peut nous donner, il convient de rappeler le dilemme par lequel Herschel terminait ses recherches. Nous le généraliserons ainsi. On peut prendre à la sortie du prisme les radiations qui suivent une direction déterminée, celle des couleurs rouges ou jaunes ou bleues, pourvu qu’on les isole avec soin de celles qui les précèdent et de celles qui les suivent. Dans la direction choisie, il peut se faire qu’il y ait un seul rayon ayant à la fois la propriété calorifique et le pouvoir lumineux, ou bien il peut se trouver deux rayonnemens distincts, l’un produisant la lumière, l’autre la chaleur. Dans le premier cas, on ne pourra jamais affaiblir l’effet optique sans exercer une action égale sur l’effet calorifique; dans le second, au contraire, il sera possible d’éteindre la lumière sans toucher à la chaleur, puisque dans la direction considérée il y aurait deux rayons distincts. Or les expériences ont-été reprises sur ce point et dans cet esprit; on faisait passer le rayon à travers un verre, on mesurait par des appareils d’optique l’affaiblissement de la lumière, on cherchait avec la pile de Melloni la diminution de la chaleur : on a toujours trouvé les deux effets égaux.

Il ne reste plus maintenant aucune objection sérieuse à faire contre la théorie de l’identité des causes qui produisent les effets lumineux et calorifiques; mais il convient d’examiner encore certaines observations générales et de faire connaître des faits d’un autre ordre qui complètent ce vaste sujet.