Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/1141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

également pénétrer par tous les rayons, qui agit sur la chaleur comme les verres transparens sur la lumière. C’est le seul qui offre cette propriété d’une manière à peu près absolue.

Cette découverte fut une bonne fortune pour Melloni; elle lui causa une joie qu’il aimait à raconter, car elle était le point de départ de travaux plus importans que lui ou ses successeurs devaient exécuter. Il vit clairement que l’expérience d’Herschel était incomplète. Ce physicien avait en effet décomposé la chaleur avec un prisme de verre; mais, comme cette substance est thermocolorée, elle arrête au passage une notable portion du rayonnement primitif, et ceux des rayons que l’on retrouve à la sortie ne sont point la totalité de ceux qui étaient dirigés sur l’appareil. « On trouverait certainement absurde, dit Melloni, le procédé de celui qui voudrait comparer entre elles les intensités relatives des élémens lumineux séparés au moyen des différences de réfraction d’un prisme de verre fortement coloré en bleu ou doué de toute autre coloration énergique; c’était tout juste l’œuvre que l’on avait accomplie jusqu’alors en étudiant la distribution de la chaleur sur les spectres donnés par les prismes ordinaires... Il fallait évidemment décomposer le rayon solaire avec le prisme de sel gemme, qui, étant perméable à toute espèce de radiation calorifique, constituait, pour ne pas sortir de notre comparaison, le verre blanc de la chaleur[1]. »

Melloni fît cette expérience, elle confirma tout ce qu’avait reconnu Herschel, elle ajouta même aux résultats obtenus par l’astronome anglais des résultats nouveaux. Il se trouva que ceux des rayons qu’arrêtait le prisme de verre sont précisément ceux de la chaleur obscure, et qu’Herschel, loin d’en avoir mis en évidence la totalité, en avait arrêté au passage la plus notable partie. Melloni les vit se prolonger dans l’espace obscur qui borde le rouge, et put s’assurer que la moitié au moins de la chaleur totale du soleil était obscure. C’est cette partie que le verre, l’eau et l’alun arrêtent si aisément, tandis que ces substances sont pénétrées par les chaleurs lumineuses aussi aisément que par la lumière elle-même.

Nous arrivons à une question qui a tenu une grande place dans les études de Melloni; il s’agit de l’identité des causes qui produisent les effets lumineux et calorifiques. Il y a cela de remarquable, qu’Herschel et Melloni ont d’abord embrassé une opinion pour se convertir ensuite à la croyance opposée; mais il y a cette différence entre eux, que le premier quitta la vérité pour accepter l’erreur, tandis que le second soutint l’erreur, mais pour en sortir. Nous avons vu Herschel produire dans sa première phase des argumens

  1. Thermochrose, première partie, page 255.