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aucune impossibilité à concevoir tous les faits qu’il a découverts en admettant l’existence d’un principe unique. Pour les rayons qui sont à la fois lumineux et calorifiques, pour les chaleurs qui accompagnent les lumières du spectre, la difficulté est nulle ; mais elle existe tout entière et elle est grave quand il s’agit des chaleurs obscures, c’est-à-dire de rayons qui viennent des corps non lumineux ou qui se placent dans le spectre à la suite du rouge. Alors Herschel, qui croyait, comme tous les physiciens de son temps, que la lumière est due à des molécules en mouvement, Herschel raisonne de la manière suivante : « On peut supposer, dit-il, que les molécules lumineuses envoyées par le soleil ont des masses très différentes ; les unes sont petites, les autres plus grosses ; elles suivent le même chemin dans la radiation solaire, mais elles prennent des routes différentes dans le prisme, et se séparent suivant l’ordre de leur grosseur. Il y en a qui peuvent à la fois échauffer les corps et les éclairer, ce sont les moyennes ; mais celles dont les masses sont ou trop ou trop peu considérables peuvent perdre la propriété d’éclairer tout en conservant celle d’échauffer ; elles seront, s’il est possible de parler ainsi, de la lumière invisible, elles produiront la chaleur obscure[1]. Il suffirait d’admettre que ces molécules sont arrêtées par les enveloppes et les humeurs de l’œil pour comprendre qu’elles ne produisent aucune impression sur le nerf optique, tout en gardant la propriété d’échauffer[2]. »

C’est par ces mémorables paroles qu’Herschel terminait ses premières recherches sur la chaleur rayonnante. Il venait de prouver jusqu’à l’évidence qu’il ne faut point attribuer à la chaleur une homogénéité complète ; que ces rayons qui nous affectent d’une sensation commune, qui produisent sur le thermomètre un effet identique, sont cependant très distincts, et qu’on peut les séparer l’un de l’autre en les réfractant par un prisme. Il avait vu que certains de ces rayons suivent la même route que les couleurs de la lumière, que d’autres

  1. « In this case radiant heat will at least partly, if not chiefly, consist, if it may be permitted the expression, of invisible light, that is to say, of rays coming from the sun, that have such a momentum as to be unfît for vision. And admitting, as is higly probable, that the organs of sight are only adapted to receive impression from particles of a certain momentum, it explains why the maximum of illumination, should be in the middle of refrangible rays ; as those which have greater or less momenta are likely to become equally unfit for impressions of sight. » Philosophical Transactions, 1800, page 272.
  2. « It remains only for Ils to admitt that such of the rays of the sun as have the refrangibility of those which are contained in the prismatic spectrum, by the construction of the organs of sight are admitted under the appearance of sight and colours, and that the rest being stopped in the coats and humours of the eye, act upon them as they are known to do upon all the other parts of our body by in occasionning a sensation of heat. » Philosophical Transactions, 1800, page 292.