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d’autres, et c’est toujours Herschel qui nous l’apprend. Après avoir promené le thermomètre dans le spectre depuis le violet jusqu’au rouge, il continue de le pousser dans le même sens, atteint la limite visible, la dépasse et s’avance dans l’endroit obscur qui la suit. L’effet thermométrique ne diminue pas avec l’éclat lumineux; loin de là, il augmente, prend son maximum quand déjà la lumière est nulle, et ne disparait qu’à une grande distance du spectre que nous voyons.

Que des corps non lumineux, comme un poêle ou l’eau chaude, nous envoient de la chaleur, c’est un fait incontestable; mais que le soleil, outre l’immense proportion de chaleurs lumineuses qu’il lance, pût encore envoyer des chaleurs obscures, distinctes et séparées des premières, c’est ce que l’on n’avait jamais soupçonné. Aussi la découverte d’Herschel eut-elle dans le monde savant un long retentissement.

Ce que nous avons peine à comprendre, c’est que, tout en gardant le souvenir de ce résultat capital, les physiciens aient laissé tomber dans l’oubli les raisonnemens qu’il avait inspirés à Herschel; ils ont signalé la découverte des chaleurs obscures dans tous leurs ouvrages, ils ont passé sous silence la signification théorique des expériences. Entre les mains d’Herschel, cette découverte ne fut pas seulement un fait : elle avait dans son esprit la même valeur que la décomposition de la lumière dans celui de Newton. Elle établissait que la chaleur du soleil est multiple comme sa lumière, qu’elle se compose de radiations différentes, caractérisées par leurs réfrangibilités, les unes superposées aux lumières simples du spectre, les autres s’en écartant et composant, pour employer son expression, une lumière invisible. Tel était, on le verra bientôt, le point de vue élevé où se plaçait Herschel.

Après avoir raconté les expériences qu’il vient de faire, l’astronome anglais transporte ses pensées du domaine des faits à celui des généralisations, et dit : « Il se peut que les mêmes rayons aient à la fois la propriété d’éclairer et celle d’échauffer, que la lumière et la chaleur soient deux effets différens d’une même cause; mais il se peut aussi que la chaleur et la lumière soient les manifestations de deux rayonnemens distincts, marchant ensemble, se réfléchissant ensemble, sortant ensemble du prisme, mais n’ayant rien de commun dans leurs principes, rien de commun dans leurs propriétés. »

A cet égard, Herschel fait remarquer que nous ne sommes pas autorisés par les règles de la philosophie à admettre deux causes pour expliquer certains effets quand ils peuvent être attribués à une seule[1], et, partant de ce sage principe, il s’efforce de montrer qu’il n’y a

  1. Philosophical Transactions, année 1800, page 291.