Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/1119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’esprit que les rayons prismatiques pouvaient avoir une propriété calorifique inégale[1]

Un observateur ordinaire, s’il avait rencontré ces différences entre l’effet optique et l’effet calorifique des rayons du soleil, aurait pu les consigner comme une singularité et passer à d’autres recherches; mais c’est le propre des esprits éminens de s’emparer des plus légers indices pour deviner l’insuffisance des idées admises et se décider à des expériences qui doivent confirmer les doutes et corriger les erreurs. Herschel, abandonnant les graves spéculations de l’astronomie, se mit avec une ardeur extrême à étudier les propriétés de la chaleur et à rechercher sa nature, car il soupçonnait qu’un même rayon parti du soleil pourrait bien être la cause unique de deux actions jusqu’alors attribuées à des principes différens, — l’action d’échauffer et celle d’illuminer les objets.

Pour se diriger dans les études qu’il allait entreprendre, Herschel avait l’analogie connue des effets, cette croyance vague à l’identité des causes, et l’exemple des travaux dont l’optique avait été l’objet. Il pensa judicieusement qu’il fallait rechercher dans la chaleur les propriétés que l’on connaissait à la lumière, afin de savoir jusqu’où s’étendaient les analogies et où commençaient les dissemblances. Il fit cette comparaison en essayant de décomposer la chaleur comme Newton avait décomposé la lumière. Il convient de rappeler à ce propos l’expérience de Newton.

Quand on fait passer la lumière solaire par un trou très étroit percé dans le volet d’une chambre fermée, elle se propage en un faisceau de rayons qui suivent une route commune et peignent l’image du soleil sur la paroi opposée; mais quand on la reçoit sur un prisme de verre, elle le traverse et en sort dans des conditions toutes différentes.

On remarque d’abord que le nouveau faisceau n’est pas la continuation du premier; il fait un angle avec lui, et chaque rayon, changeant sa direction à l’intérieur du prisme, se dévie en le traversant. Avec plus d’attention on voit ensuite que les rayons ne suivent plus une route commune; les uns sont plus déviés que les autres, si bien qu’ils vont très sensiblement en s’écartant, et se séparent de plus en plus en forme de gerbe lumineuse.

Mais ce qui frappe le plus dans ce phénomène, c’est que les rayons séparés n’ont pas la même couleur : ceux qui sont le moins déviés sont rouges, ceux qui le sont le plus sont violets, et entre ces limites extrêmes on en remarque d’autres dont les déviations sont intermédiaires et dont les colorations sont orangée, jaune, verte, bleue,

  1. Philosophical Transactions, année 1800, page 256.