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produit des comtés, c’est une littérature qui naquit et vécut dans les campagnes. Un jour pourtant c’est le roi lui-même qui est caché sous la robe de l’abbé. Il se donne d’abord pour un envoyé du souverain :

« Je n’aime personne au monde autant que mon roi ; bienvenu soit le sceau de mon seigneur et maître! Moine, sois le bienvenu toi-même pour ta nouvelle !

« Sire abbé, pour ta nouvelle aujourd’hui tu vas dîner avec moi ; pour l’amour de mon roi, tu vas dîner sous l’arbre du chasseur. »

Robin Hood souffle dans son cornet; cent quarante jeunes gens accourent, plient le genou devant lui et se mettent en rang. « C’est un admirable spectacle, dit le roi; ses hommes sont plus à ses ordres que mes hommes ne sont aux miens. » Robin et ses archers commencent à tirer de l’arc. Le jeu national de l’Angleterre est représenté dans toute sa naïveté populaire. Ceux qui manquent le but reçoivent un soufflet. Quand c’est le tour de Robin Hood, c’est le roi qui se charge de le corriger, et son soufflet est d’une vigueur royale. Ceci est assez étrange, mais voici qui l’est encore davantage. Quand le roi s’est fait connaître, et c’est la pesanteur du soufflet qui sert de reconnaissance, quand Robin Hood a obtenu son pardon, et qu’il suit le roi à Nottingham, on s’arrête en route pour se délasser; on tire de l’arc, et le roi prend part à l’exercice. Ici Robin Hood prend sa revanche, et toutes les fois qu’Edouard frappe à côté, c’est Robin qui l’en punit, et il n’y va pas de main morte. Après tout, ce n’est peut-être là qu’une trivialité pour amuser les grossiers yeomen de l’Angleterre. Pourtant la familiarité est un peu excessive dans un homme qui s’agenouillait tout à l’heure devant le simple cachet du roi. Faut-il prendre les soufflets au sérieux et les respects en plaisanterie ? Il nous semble que le ménestrel exprime ici les sentimens même du peuple anglais : très soumis à la règle, il s’agenouille devant l’image, devant le nom du roi, mais il prend sa revanche à l’occasion, et lui rend soufflet pour soufflet. Les députés des communes se mettaient à genoux pour remettre à Charles Ier des adresses rebelles. C’est à genoux que l’université d’Oxford déclara devant Jacques II qu’elle n’obéirait pas au roi. Au reste, c’était une invention qui devait être applaudie par l’auditoire. Nous la retrouvons encore dans un poème chevaleresque sur Richard Cœur-de-Lion. Le héros de la croisade est en prison chez l’empereur d’Allemagne, à qui il a été livré par le duc d’Autriche. Le fils de l’empereur, jeune homme confiant dans sa propre force, veut se procurer le plaisir de frapper Cœur-de-Lion à la joue. Il lui propose de se laisser donner un soufflet à condition que le soufflet sera rendu. La proposition est bizarre, mais elle est acceptée. Le jeune homme, qui est fort vigoureux, applique sur le visage de Richard un soufflet, qui le laisse un instant étourdi. Il est vrai que le roi avait passé deux jours sans manger; l’empereur voulait prendre le lion par la faim. A un pareil jeu, il faut être bien nourri : Richard prie son rival de remettre la seconde manche au lendemain matin. Celui-ci est apparemment un beau joueur : il fait servir à Cœur-de-Lion un bon souper. Richard y fait honneur, et passe le reste de la soirée à chauffer ses mains devant l’âtre de la cheminée. Comme le fils de l’empereur est homme de parole, il vient le lendemain pour que Richard s’acquitte envers lui de sa dette. Le roi la lui paie largement, intérêt et principal : de son soufflet il l’étend raide