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raux d’une nuance modérée. Ce qui a fait naître le ministère belge est ce qui l’a fait vivre jusqu’ici, parce que la situation respective des partis n’a point changé. Un moment, les élections faites au mois de juin dernier avaient compromis l’existence du cabinet. Les ministres avaient offert leur démission ; ils restaient néanmoins au pouvoir, toutes les tentatives pour former un nouveau ministère ayant échoué, et en retirant leurs démissions, ils annonçaient qu’ils s’expliqueraient devant les chambres. Ce sont ces explications qui ont été données par M. Henri de Brouckère, et c’est à la suite que la chambre a rendu un vote de pleine confiance en faveur du gouvernement.

Le terrain naturel du débat dans le parlement a été la partie de l’adresse qui traite de l’exécution donnée par le gouvernement à l’article 8 de la loi du 1er juin 1850 sur l’instruction secondaire, relativement au concours du clergé à l’enseignement de la morale et de la religion. Cette question s’était déjà présentée le 14 février dernier à l’occasion d’un arrangement conclu par le gouvernement avec le cardinal-archevêque de Malines, et connu sous le nom de convention d’Anvers. La pensée de cette convention avait été pleinement approuvée par la chambre à cette époque. Depuis, le gouvernement était accusé de porter atteinte, par son système d’arrangement avec le clergé, à l’indépendance des conseils communaux, aux droits des pères de famille, à la liberté des cultes dissidens. Telles étaient les imputations dirigées contre le cabinet par la presse libérale. Ce langage avait trouvé de l’écho dans plusieurs conseils communaux, et la question religieuse, que l’on avait cru vidée par le vote du 14 février, se réveillait dans les conditions les plus fâcheuses, car la convention d’Anvers pouvait être considérée comme l’ultimatum de l’épiscopat ; si cet ultimatum était rejeté, il n’y avait plus de solution possible. Il s’agissait de savoir si la chambre des représentans, se déjugeant à neuf mois d’intervalle, blâmerait ce qu’elle avait approuvé à une si grande majorité. C’est ce que M. Frère-Orban, ancien ministre des finances, aujourd’hui chef de l’opposition libérale avancée, a proposé par un amendement. Il a été combattu avec succès par ses anciens amis politiques ; les hommes les plus éminens du parti libéral, tels que M. Devaux et M. Delfosse, président de la chambre, qui ont montré que sous l’empire de la constitution de 1831, qui proclame l’indépendance du clergé, la question religieuse ne pouvait être résolue que par une transaction, et que celle qui avait été conclue, respectant les droits de tous, était parfaitement acceptable. M. Frère-Orban n’a rallié à son opinion qu’une fraction minime du parti libéral, et l’ensemble du projet d’adresse, qui promet au gouvernement un loyal concours, a été voté par 80 voix contre 11. En général, cette discussion a laissé voir la pensée de mettre les intérêts nationaux au-dessus des intérêts de parti. M. Dedecker s’est fait surtout l’organe de ce sentiment, qui a prévalu, et il s’est fait aussi le défenseur des politiques modérées, de conciliation, qu’il appelle les politiques mixtes. C’est la politique du cabinet actuel. Quand elle a été inaui^urée, elle avait un caractère transitoire selon l’aveu de M. de Brouckère. Le ministère attendait que les partis fussent reconstitués et pussent offrir au roi le moyen de former un gouvernement. Deux ans sont passés, et la même situation, existant encore, est soumise naturellement aux mômes conditions.