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Il ne faut pas croire qu’en marchant sur les erremens d’un auteur célèbre, il n’y ait rien à gagner, même pour les découvertes originales. Dans l’état actuel des sciences, l’imprévu, comme disait Arago, garde encore la meilleure part : en cherchant à vérifier une assertion connue, on rencontre presque toujours des choses nouvelles. Mille exemples pourraient en être cités ; mais la logique seule nous crie que, pour trouver, il faut chercher. Admettre l’hypothèse contraire, suivant l’expression populaire, ici fort appropriée aux éventualités de la science, ce serait vouloir gagner à la loterie sans avoir pris de billets.

Les vents, ces dominateurs des mers, n’offrent point, sur la Méditerranée, cette constance qui a fait donner à beaucoup des mouvemens de l’atmosphère au-dessus des grands océans le nom de vents réglés et de vents périodiques. Lorsque Magellan, ouvrant ses voiles aux alisés de l’Océan Pacifique du sud, traversa la moitié du globe pour retrouver les possessions espagnoles qu’il avait déjà visitées en marchant vers l’est, il ne connut pas toutes les chicanes des vents inconstans des mers méditerranéennes. Plus tard les galions chargés de l’or du Mexique et du Pérou se décidèrent à traverser l’immense Océan Pacifique et à revenir par le cap de Bonne-Espérance plutôt que de traverser l’Atlantique à contre-courans d’air et d’eau. D’après la constitution générale de l’Europe, le vent d’ouest semblerait devoir dominer sur la Méditerranée ; mais la grande chaleur que prennent les déserts de l’Afrique, de l’Égypte, de l’Arabie et de la Perse cause dans l’atmosphère de ces régions un courant ascendant que viennent remplacer les couches d’air plus froides qui reposent sur l’Europe méridionale. De là un transport continu des masses d’air européennes vers le sud, par-dessus la Méditerranée. Avant la navigation à vapeur, il était fort difficile de quitter les côtes du Maroc, de l’Algérie et de la Mauritanie pour remonter vers l’Europe. La traversée de Marseille à Alexandrie était sept ou huit fois plus facile que le retour en France. Suivant l’observation du maréchal Marmont, l’Égypte semble être faite pour être conquise. César et Napoléon y sont descendus à pleines voiles, l’un du bassin oriental, l’autre du bassin occidental. Comme il n’est point de vérité absolue, nous dirons que ces mêmes courans d’air assuraient aux pirates du Maroc, d’Alger et de Tunis une impunité qu’ils conservèrent encore, à la honte de l’Europe, trois cents ans après Charles-Quint, dont le grand amiral Doria disait, en parlant de la Méditerranée : « Il n’y a que trois ports sûrs dans cette mer : Juin, Juillet et Carthagène. » Tout le monde connaît l’épouvantable désastre de Charles-Quint devant Alger au mois d’octobre 1541. « Ce fut là, dit l’amiral Smyth, que le sanguinaire Fernand Cortez perdit les bijoux et les trésors de pierres précieuses avec lesquels il comptait racheter la faveur