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impatience, sachons ignorer : c’est un principe que je ne cesserai de répéter. La traduction de ce mot dans le langage du sens commun est celui-ci : ne demandons pas l’impossible.

L’amiral Smyth, dont l’ouvrage a servi de texte à cette étude, est membre correspondant de l’Institut de France pour la section d’astronomie, et il est lui-même, ainsi que son fils, un astronome de première distinction ; son ouvrage intitulé Cycle de notions astronomiques (Cycle of celestial objects) a reçu la grande médaille de la Société royale de Londres. Après la guerre du commencement de ce siècle, il a déterminé avec précision les positions géographiques d’un grand nombre de points du bassin occidental de la Méditerranée, et même il est arrivé jusqu’à la Morée, en retournant ensuite à la Sicile, à l’Algérie et au Maroc. On voit dans son ouvrage, à la suite de ses nombreuses déterminations dans l’ouest, les déterminations du capitaine Gauttier sur les côtes de Candie, l’Archipel, la Turquie d’Europe, la Mer-Noire tout entière, enfin l’Anatolie et l’Asie-Mineure, la Syrie et l’Égypte. La longitude de Palerme, point essentiel entre les deux bassins de la Méditerranée, est déterminée par lui et par M. Daussy. Il se montre toujours empressé de rendre justice à ses compétiteurs en hydrographie comme en toute autre chose. On peut lui appliquer cette pensée que Sophocle met dans la bouche d’OEdipe : En avançant dans la vie, j’ai appris à être bienveillant ; mais cette bienveillance est naturelle aux âmes élevées. »

Comment donc résumer un ouvrage plein de faits qui se rapportent à la nature entière, en y comprenant, avec l’homme, tous les êtres animés qui foisonnent sur les rivages, sur les bords, enfin au milieu de cette mer africaine, asiatique et européenne ? Les migrations seules des poissons qui suivent les courans et les côtes depuis les colonnes d’Hercule jusqu’à la Mer d’Azof, à l’extrémité de la Mer-Noire, réclameraient une étude à part. L’auteur met en doute s’il est un seul individu de ces espèces neptuniennes qui arrive au terme de sa carrière et meure de vieillesse ; mais la nature a compensé ces grandes destructions par une prodigieuse fécondité, car dans plusieurs cas l’éclosion des œufs produit de véritables bancs marins vivans, qui fournissent amplement à la consommation active des espèces carnassières, de manière à limiter, d’une part, la population de chaque poisson, et de l’autre à en conserver le nombre à peu près constant. On peut regretter que l’auteur ne parle presque pas de nos pêcheries de corail sur la côte de Bône. La difficile question de la quantité d’eau que la Méditerranée perd par l’évaporation est aussi peu développée ; mais les déterminations scientifiques manquent ici complétement. On doit considérer l’ouvrage de l’amiral Smyth comme le point de départ des travaux futurs qui le compléteront, et en mettront les parties faibles au niveau des parties les plus brillantes.