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siennes, par celles de l’Asie-Mineure jusqu’à Alep, et enfin, de ce point jusqu’à l’Égypte, par les côtes de la Syrie et de la Palestine. L’Afrique, au nord, est entièrement bornée par la Méditerranée, comme l’Europe l’est au sud. Les diverses nations civilisées qui tour à tour ont fixé l’attention du monde ont été presque exclusivement riveraines de cette mer. L’Espagne, la France, l’Italie orientale et occidentale, la Grèce antique et ses immenses populations, la Syrie, la Judée et l’Arabie, qui ont dominé le monde par leurs religions et leurs lois, enfin l’Égypte et les contrées africaines qui, sous les rois égyptiens, sous les Grecs et les Carthaginois, et plus tard sous la domination de l’islamisme, ont eu plusieurs civilisations, tout cet ensemble, dont l’histoire est presque exclusivement celle du monde entier, comprend encore, malgré le dépeuplement de l’Afrique et de l’Asie, la portion la plus puissante comme la plus civilisée du genre humain, puisque l’Europe seule pèse dans la balance par une population de 250 millions d’habitans et par la forte organisation des sociétés modernes. Là, les sciences et les arts par lesquels on domine la nature, les lois par lesquelles on règle les forces sociales et le rapprochement des populations, assurent une prépondérance qui ne pourra plus tard être balancée qu’au moment où d’aussi puissantes agglomérations se seront formées dans d’autres parties du globe. Quand on voyage par la pensée tout autour de cette belle nappe d’eau, les noms historiques se pressent en foule, et jusqu’ici l’histoire des peuples voisins de la Méditerranée est presque celle du monde entier. Leur part dans ce qu’on appelle la gloire ne laisse presque rien en dehors d’elle pour le reste du genre humain. Il suffit de citer Carthage et l’Afrique occidentale avec toutes ses civilisations successives ; — l’Afrique orientale et l’Égypte sous les Pharaons, sous les Grecs, sous les Romains et sous les princes musulmans, tant sarrasins que Turcs ; — l’Arabie et la Palestine avec la religion de Moïse, celle du Christ et celle de Mahomet ; — la Syrie et ses populations presque entièrement grecques ; — l’Asie-Mineure, colonisée de même par les Grecs, depuis Chypre jusqu’au Phase ; — la Grèce avec ses mille petits états, depuis l’Èbre, à l’orient, jusqu’à l’Adriatique, à l’occident ; puis toute la péninsule italique, puis la Gaule méridionale, tantôt celtique, tantôt romaine, et maintenant française ; puis enfin l’Espagne, qui fit presque à elle seule tout l’empire de Charles Quint. Les villes, les fleuves, les golfes, les promontoires, les détroits, les courans, les vents dominans, et tout ce que fournit la nature peut aider l’homme dans ses relations commerciales, les plus civilisatrices de toutes, tout est connu dans cette mer, tout y est célèbre, tout y a brillé, tout est resté dans la mémoire des hommes. Pas un lieu qui n’ait une renommée, nullum sine nomine saxum. Carthagène, Mar-