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Le second pas fait dans la même voie fut un emprunt de 11 millions de livres sterling, contracté en 1794, au taux de 4 l. 10 sh. 9 d. (4 1/3 pour 100). En 1795, M. Pitt emprunta 18 millions de livres sterling, et paya pour cette somme un intérêt de 4 l. 15 sh. 8 d. pour 100 ; en 1796, 25 millions de livres sterling à 4 liv. 13 sh. 5 d. pour 100 ; en 1797, 32,500,000 liv. slerl. (plus de 722 millions de francs en une seule année !) à 5 l. 14 sh. 10 d., et en 1798 17 millions de livres sterling à 6 l. 4 sh. 9 d. (6 1/4 pour 100). Telle était l’impureté des sources auxquelles puisait le ministre, que, pour 17 millions sterling qu’il reçut, il dut ajouter 34 millions sterling à la dette du pays, et que les opérations financières de ces six années, opérations malheureuses et qui ne répondaient pas aux exigences de la guerre, en versant, à grand peine 108,500,000 liv. sterl. dans les caisses de l’échiquier, surchargèrent d’environ 200 millions sterling (5 milliards de francs) le capital de cette dette.

« Je vais maintenant vous rappelée la conduite que tint M. Pitt lorsqu’il eut reconnu qu’il s’était trompé. Voyant le pays marcher à sa ruine et ses ressources épuisées, il résolut de faire un effort courageux pour l’arracher à sa perte. La première tentative date de 1797. À ce moment, M. Pitt proposa de lever sur les contribuables une somme de 7 millions sterling au moyen de taxes assises. Cette combinaison échoua, et le trésor ne reçut que 4 millions. L’année suivante, sans se laisser abattre par cet échec, M. Pitt revint à la charge et demanda 10 millions sterling à l’impôt. Depuis cette époque, la carrière politique du ministre ne fut qu’une série d’efforts incessans et convulsifs pour se relever lui-même et pour faire sortir le pays des embarras dans lesquels l’avait jeté l’imprévoyance du gouvernement. Ces embarras étaient tels que l’on peut dire, sans rien exagérer, qu’au cours actuel des fonds publics, la dette nationale se trouve augmentée de 250 millions slerl. (6,250,000 fr.) dont le trésor n’a jamais reçu un seul penny. On venait de créer alors l’amortissement, et l’on rachetait tous les jours à 3, 4 ou 5 p. 100 des rentes que l’on émettait ensuite de nouveau à un taux plus désavantageux, C’était comme un séton mis au corps humain, une pompe aspirante qui épuisait perpétuellement les ressources du pays. L’erreur de M. Pitt à cette époque fut celle de la nation tout entière, et Dieu sait que la nation l’a cruellement expiée.

« Après six années de guerre et au milieu de l’épuisement qui en était la conséquence, M. Pitt proposa l’income tax. Il s’agissait d’accroître de 40 p. 100 le revenu du pays. En 1798, le revenu public s’élevait à 23,100,000 liv. sterl., et en 1799 à 25,600,000 liv. sterl. ; mais la progression des dépenses était telle qu’il fallut des moyens plus énergiques pour y faire face. En 1802, on porta le revenu à 38,600,000 liv. sterl., et en 1805, la dernière année de M. Pitt, à 50,900,000 liv. sterl. (1,272,500,000 fr.). En 1806, le marquis de Lansdown, alors chancelier de l’échiquier, mit en vigueur le tarif extrême de l’impôt sur le revenu, et les recettes s’élevèrent, pour l’année 1807, à 59,300,1100 liv. st. De 1806 à 1816, le revenu annuel ne descendit jamais au-dessous de 60 millions sterl., et monta plus d’une fois à 70 millions.

« Telle était l’idée que se faisaient M. Pitt et ses successeurs de leurs devoirs envers le pays et la postérité. L’Angleterre jouit aujourd’hui des fruits de quarante années de paix ; les charges du pays ont diminué dans une mesure qui tient du prodige. En vous faisant les propositions qui vous sont soumises,