d’approcher de cette difficulté avec un cœur ferme, et de décider, tant que le fardeau ne sera pas trop lourd pour nos épaules, tant que les ressources nécessaires pour le service de l’armée pourront être fournies dans l’année par les contribuables, qu’aussi longtemps nous n’aurons pas recours au système des emprunts. Les raisons qui militent contre un appel aux capitalistes, les raisons qui s’opposent à ce qu’on mette ces dépenses à la charge de la postérité, sont nombreuses et graves. Je n’ai pas la présomption de poser des principes qui fassent loi pour les autres nations ; mais il n’y a pas de nation qui se soit engagée dans ce jeu dangereux aussi avant que l’Angleterre, il n’en est pas qui ait hypothéqué l’industrie des générations futures pour une somme aussi effrayante. D’autres états peuvent avoir leurs motifs pour agir différemment. Prenez l’Amérique par exemple. Ayant les mains libres, ne devant rien, et avec un excédant permanent de recettes, rien n’est plus naturel, rien n’est plus facile à comprendre que la conduite qu’elle tient lorsque, pour annexer un nouveau territoire à son empire, elle contracte un emprunt destiné à payer les frais de la guerre qui lui assure cet accroissement. En effet, selon les doctrines les plus rationnelles en matière d’impôt, elle sait que cet excédant temporaire de dépense sera regagné en deux ou trois années, et couvert par le surplus régulier du revenu, et elle évite sagement de porter la perturbation dans son système de taxes, pour faire face à des embarras qui n’ont rien de durable. Les mêmes principes peuvent évidemment s’appliquer à d’autres contrées. Voyez notre grand et puissant voisin le peuple français. La dette de la France, bien qu’elle soit considérable, ne saurait entrer en comparaison avec celle de l’Angleterre. J’ai regret à le dire, mais telle est notre supériorité à cet égard, que la dette de l’Angleterre excède non-seulement celle de toute autre nation prise à part, mais encore celles de toutes les nations réunies. Quiconque a été mêlé à l’administration financière du pays sait à combien de maux une telle situation a donné naissance, quelles lourdes charges il a fallu imposer au peuple anglais pour apaiser la faim dévorante de la dette, combien de travaux utiles elle n’a pas permis d’entreprendre ou de terminer, combien ce poids énorme et perpétuellement accablant a diminué les forces dont nous avions besoin pour aider et pour encourager les entreprises de la philanthropie ainsi que les progrès de la civilisation ! Ceux qui accroîtront la dette sans avoir cédé à une nécessité impérieuse encourront une grande responsabilité.
« M. Mill dit : « Le capital qu’absorbent les emprunts de l’état est enlevé à des fonds engagés jusque-là dans la production, ou qui allaient recevoir cet emploi. En les détournant de leur destination, l’on agit comme si l’on en prenait le moulant sur les salaires des classes laborieuses. » Sans nous embarquer dans les raisonnemens abstraits de l’économie politique, tout le monde conviendra que, lorsqu’on demande des subsides à l’impôt, la somme nécessaire est fournie par les épargnes qui constituent pour chaque contribuable l’excédant du revenu sur la dépense, tandis que, si l’on a recours à l’emprunt, l’on agit directement, et jusqu’à l’épuiser, sur cette partie du capital de la nation qui se trouve immédiatement disponible pour les besoins de l’industrie et du commerce. Dans le premier cas, nous prenons principalement sur le superflu ; dans le second, nous allons droit à la source même du capital qui alimente l’activité du travail, et d’où, découle le bon marché