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durent s’y rendre en personne ; mais la France et l’Angleterre, au lieu de s’y faire représenter par leurs ministres des affaires étrangères, se bornèrent à y accréditer des ambassadeurs. En attendant les résultats de ce congrès, les cabinets se refusèrent à reconnaître le nouveau gouvernement de Naples et à recevoir ses envoyés.

Tout le monde était d’accord sur un point : c’est que l’état de choses créé à Naples par la révolution ne pouvait subsister sans de grandes modifications ; mais quant à l’étendue des changemens nécessaires et à la manière de les préparer, la divergence des vues était complète.

La France désirait que l’informe constitution adoptée par les révolutionnaires triomphans pût être ramenée aux proportions de notre charte ; elle ne croyait pas impossible d’y arriver par la voie des négociations, en s’entendant sur les lieux avec le parti modéré, dont les vœux étaient évidemment dans ce sens, qui comptait dans son sein tous les hommes éclairés du pays, mais dont elle ne comprenait pas suffisamment la faiblesse. Elle espérait par là prévenir l’intervention armée de l’Autriche dans la Basse-Italie, soustraire ce beau pays à sa pesante domination, peut-être préparer le reste de la péninsule au degré d’indépendance et de liberté qu’il lui était permis d’atteindre sans troubler la paix européenne et sans violer les traités. Ces dispositions étaient aussi de tout point celles de l’empereur Alexandre, encore animé à cette époque de sentimens très hostiles à l’Autriche, et avec qui l’envoyé français à Saint-Pétersbourg, M. de La Ferronnays, entretenait des relations intimes qui inquiétaient les cabinets de Vienne et de Londres.

Le cabinet autrichien voulait à tout prix détruire le régime démocratique qui venait de surgir à Naples, et il désirait pouvoir le faire avec l’assentiment et l’appui moral des autres puissances ; mais il ne se souciait en aucune façon de substituer à ce régime un système de liberté raisonnable qui, ayant plus de chances de durée et de succès, aurait été beaucoup plus menaçant pour son établissement et son ascendant en Italie, essentiellement fondés sur le maintien du pur absolutisme. Cinq ans auparavant, en replaçant les Bourbons sur leur trône après la chute de Murat, il leur avait interdit, par une stipulation secrète, de changer sans son consentement les institutions du pays. Il n’osait se prévaloir formellement d’une telle clause, dont la révélation eût produit un fâcheux effet ; mais il comptait bien, d’une manière ou de l’autre, en conserver le bénéfice.

Je ne parle pas de la Prusse, condamnée alors, par les embarras de sa position intérieure, à suivre docilement, dans toutes les questions générales, les erremens de la politique autrichienne. Quant à celle du cabinet de Londres, je ne saurais mieux en donner l’idée