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des peines assez peu graves. Le premier effet de ce complot n’en fut pas moins, comme à l’ordinaire, de discréditer le parti qui l’avait formé et de fortifier le pouvoir. Les élections qui eurent lieu peu de temps après, sous l’empire de la loi récemment votée, donnèrent à l’opinion monarchique une immense majorité, et dans cette majorité la proportion des ultra-royalistes était assez considérable pour que les ministres pussent prévoir qu’ils auraient bientôt à compter avec eux. Ils durent en effet, dès ce moment, admettre leurs deux chefs principaux, MM. de Villèle et Corbières, à faire partie du conseil, bien que sans portefeuille.

À la fin de cette année, que la mort du duc de Béni avait ouverte sous de si sombres auspices, le trône semblait donc affermi en France, et la cause de la monarchie n’y paraissait plus menacée que par les exagérations de ses défenseurs.


III.

Le gouvernement britannique, sans courir à beaucoup près d’aussi grands dangers, s’était vu aussi en butte aux attaques factieuses du radicalisme. L’Ecosse et l’Irlande avaient été agitées par des troubles sérieux qui prenaient leur source dans des griefs particuliers et locaux, mais auxquels l’esprit de faction n’était nullement étranger. À Londres même, quelques misérables qui portèrent leur tête sur l’échafaud avaient projeté l’assassinat des ministres comme le premier acte d’un bouleversement général. La répression assez facile de ces désordres, de ces attentats, le dégoût qu’ils inspiraient à la nation presque entière, ne pouvaient manquer de tourner pour le moment à l’avantage du pouvoir. Sa majorité dans le parlement en devint plus ferme et plus compacte. Lord Castlereagh était plein d’espoir. « Les fonds du radicalisme sont à présent bien bas, écrivait-il au prince de Hardenberg ; le parti loyalement dévoué à la monarchie a repris supériorité et confiance… Quoi qu’en puissent dire nos réformistes, la voix du parlement est encore en elle-même toute-puissante dans ce pays, lorsqu’elle se prononce d’une manière non équivoque. » Quelque temps après, il écrivait au prince de Metternich : « Votre altesse remarquera bien que nous avons fait d’immenses progrès contre le radicalisme ; le monstre vit encore et se montre sous des formes nouvelles, mais nous ne désespérons pas de l’écraser avec le temps et à force de persévérance. »

Ce que lord Castlereagh ne prévoyait pas, c’est que les victoires mêmes que le gouvernement remportait sur les révolutionnaires hâteraient le moment où le pouvoir devait enfin sortir des mains des purs tories qui le détenaient depuis près de quinze ans. Leurs doctrines arriérées et anti-libérales n’étaient plus en rapport avec l’état