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les susceptibilités, si faciles à éveiller, de l’orgueil britannique. Le prince, dans la lettre d’envoi, se hasardait à dire qu’à Madrid on avait cru que l’ambassadeur d’Angleterre, sir Henry Wellesley, n’avait pas été étranger à la révolution, qu’on s’était même permis d’en accuser le cabinet de Londres, que ces bruits transmis à Paris y avaient excité de vives inquiétudes, et que sir Charles Stuart les avait fort augmentées par ses propos. Celui-ci, ajoutait-il, avait surtout grandement mécontenté le gouvernement français en se prononçant avec une singulière vivacité contre la mission d’un agent diplomatique que ce gouvernement se disposait à envoyer auprès du roi d’Espagne pour essayer de le diriger dans la position terrible où il se trouvait placé, et en faisant parvenir à Madrid, par courrier extraordinaire, des avis tellement alarmans sur l’objet de cette mission, qu’une fermentation violente s’était manifestée parmi les révolutionnaires espagnols, et que la cour des Tuileries avait dû, par prudence, renoncer à son projet.

Lord Castlereagh, qui sans doute avait reçu de plusieurs côtés des avertissemens semblables sur l’attitude de son ambassadeur, se décida à le rappeler. Un des sous-secrétaires d’état des affaires étrangères, M. Hamilton, se rendit à Paris pour lui faire connaître les intentions du cabinet, et aussi pour prendre des informations précises sur ce qui s’était passé. Voici ce qu’il écrivait le 20 avril 1820 à lord Castlereagh :


« Votre seigneurie verra, par la lettre de sir Charles Stuart, en date d’aujourd’hui, jusqu’à quel point je me suis conformé à vos instructions sur la communication que j’avais à lui faire par rapport aux relations dans lesquelles il se trouvait à l’égard de la cour et des puissances alliées, et à l’opinion que le cabinet s’était faite de la convenance de prendre, pour la conduite des affaires de sa majesté en France, des arrangemens plus conformes aux vues du parti qui gouverne ce pays. Je craignais qu’il ne fût pas possible de lui exposer le jugement porté sur sa conduite par le gouvernement de sa majesté sans le blesser trop vivement ; j’ai vu avec une grande satisfaction qu’il recevait cette communication dans le même esprit que j’avais eu ordre de la lui faire ; il s’est contenté de déplorer la situation si difficile où il s’était trouvé placé depuis le commencement, et spécialement depuis qu’il avait cessé d’agir sous la direction du duc de Wellington. Il savait, m’a-t-il dit, qu’il avait des ennemis ; il n’ignorait pas avec quelle activité on fabrique ici des anecdotes mensongères ou exagérées sur tout le corps diplomatique en général et sur lui particulièrement… — Quant à mon appréciation de sa conduite et de son langage, d’après le peu que j’ai vu de lui, je suis porté à penser qu’en plusieurs occasions il a manqué de précaution et même de prudence, mais je crois qu’il y a dans son fait plus de négligence et de laisser-aller que de méconnaissance de ses devoirs et des intentions de son gouvernement… Je ne lui en ai pas moins déclaré en termes très formels que votre décision est positive et que son ambassade finira l’été prochain… »