Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/857

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dès les mois du printemps où le sol attiédi
Promet l’épi joyeux au sillon reverdi
Et la feuille bientôt à la vigne craintive,
— Car le bourgeon renflé la tient encor captive
Jusqu’au jour où l’un met la faux dans la moisson,
Et l’alouette alors redouble sa chanson, -
Jusqu’au jour où la vigne aux feuilles rougissantes,
Livrant aux vendangeurs ses grappes mûrissantes,
Au penchant des coteaux invite les paniers
Et de gais travailleurs emplit les hauts sentiers, -
Quand les champs sont la crainte ainsi que l’espérance,
Que pas un toit n’abrite ici l’indifférence, -
Le sonneur en ce temps, dès la pointe du jour,
Le sonneur matinal et monté dans la tour
Tinte la passion pour les biens de la terre,
Pour l’homme en même temps, le laboureur austère,
Qui donne ses sueurs, et pour nourrir les siens,
En arrose le champ qu’ont béni ses anciens,
Et met dans ses sillons une part de sa vie,
Comme un trésor douteux volontiers enfouie.
Et si l’orage encor, visible à l’horizon,
D’un tonnerre lointain menace le sillon,
Le vigneron si pauvre, et qui n’a pour richesse
Que le frêle raisin, décevante largesse,
Le pauvre laboureur dont le pain est aux champs,
Craignant la grêle lourde et les souffles méchans,
Dans leur bourse tous deux ils trouvent une obole,
Ils vont, et simplement disent une parole,
Et dans la tour encor sonne la passion
Pour la vigne en péril, pour le blé du sillon.
Que de Dieu maintenant la volonté soit faite !
Que les champs aient leur deuil, que les champs aient leur fête,
Ces hommes béniront la main qui donnera,
Ou, pauvres et frappés, la main qui reprendra.
Et quand viendra plus tard la moisson désirée,
Et pour couronner tout, la vendange espérée,
Le curé prendra part, — part aussi le sonneur, -
Ainsi qu’à la prière, à leur humble bonheur ;
Dîme que fait le cœur aux fromens en javelle,
Part choisie aux raisins, et non pas la moins belle.


SUR LA ROUTE


C’était dans un chemin écarté, sur la route
Aboutissant de loin sous le bois qui fait voûte ;
Et le bois en retour, finissant brusquement,
Dans un vaste carré laissait croître un froment.