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académies de toute sorte, des couvens où l’on dansait et chantait plus qu’on ne priait ; des femmes charmantes, blondes, tendres, voluptueuses, faciles, parlant un dialecte mélodieux qui enivrait l’oreille ; des loisirs infinis, une sociabilité exquise, de la gaieté sans malice, de l’esprit, du goût, du faste, de l’instruction, un estro charmant, un non so che plein de grâce et d’abandon ; de la musique partout, de la musique toujours : tels étaient les élémens et les épisodes de cette fête merveilleuse de la fantaisie et de la sensualité qui a terminé l’existence de Venise.

— Quel est donc ce personnage singulier qui se dandine sur une jambe effilée en chiffonnant son jabot d’un air d’importance ? demanda Lorenzo à un inconnu qui se trouvait assis à côté de lui dans un café de la place Saint-Marc, à l’heure où toute la société de Venise venait y étaler la variété piquante de ses costumes et de ses mœurs.

— C’est le comte Lazara de Padoue, lui répondit-on, l’amant avoué de la belle gentildonna qui marche à côté de lui en tournant le dos à son mari, qui les suit comme un facchino chargé des gros travaux du ménage : ce sont trois personnes de distinction qui vivent en parfaite harmonie. Plus loin, continua l’inconnu qui n’était pas fâché de saisir l’occasion qu’on lui offrait d’esquisser en passant les types de cette société étrange, voyez-vous ce monsieur long, maigre, attempato, coquettement attifé, donnant le bras à une dame qui est presque aussi âgée que lui ? C’est le frère cadet d’un membre du conseil des Dix, qui depuis vingt-cinq ans est amoureux de la femme qu’il promène ainsi tous les jours avec une rare constance. Il a sacrifié une brillante carrière à cette relation qui n’est cimentée par d’autres liens que les souvenirs du passé et l’habitude de se voir. Ce couple heureux est suivi de trois personnes qui sont dans tout l’éclat de la jeunesse ; ce sont deux nouveaux mariés avec le cicisbeo de la signora, qui attend que la lune de miel soit un peu rognée pour prendre possession de sa charge. C’est un amant en perspective que le mari a placé lui-même au fond de la corbeille de noces comme un gage de bonheur domestique. Regardez donc ce petit homme rondelet et mignon en habit de fantaisie de couleur jaunâtre, le chapeau sur l’oreille, une fleur à la boutonnière, riant en lui-même, et qui affecte de marcher isolément pour être mieux remarqué ? C’est le cavaliere Zerbinelli, homme d’esprit, poète agréable, qui vient de publier un sonnet sur les serins, — i canarini, — qui a beaucoup de succès. Tenez, il est coudoyé à l’instant par ce gros personnage que vous voyez s’avancer comme un stralunato, le chapeau rabattu sur les yeux, le cou enfoncé dans les épaules, enveloppé dramatiquement dans un manteau rouge strappazzato, frippé, passé, usé : c’est il signor Strabotto, poète classique et rébarbatif fort maltraité par la critique, et qui médite assurément quelque bonne épigramme contre