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si elle est encore à s’accomplir, paraît inévitable et imminente.

En mars 1854, une saignée de 30 millions de roubles d’argent avait déjà été faite, comme nous l’avons indiqué d’après le Moniteur, au réservoir métallique. En supposant, ce qu’il est difficile d’admettre, que la somme des billets en circulation fût restée la même, le rapport de l’encaisse à la circulation ne présenterait plus que la proportion de 37 à 100. À l’heure où j’écris, ce rapport n’est peut-être plus que de 30 ou même de 25 pour cent, et descend encore. Le mal doit s’aggraver par le défaut de publicité. La crainte du danger, quand on en connaît l’existence sans en pouvoir mesurer l’étendue, dégénère bientôt en panique. En 1852, le trésor russe avait reçu, contre les billets de crédit qu’il émettait, 15,322,794 roubles en espèces ; il avait remboursé en or ou en argent les billets présentés à l’échange pour une somme de 7,978,341 roubles ; sa réserve en numéraire s’était donc accrue, dans le mouvement de l’année, de plus de 7 millions de roubles (environ 29 millions de francs). En 1853, l’éventualité de la guerre jetant l’alarme dans les esprits, les remboursemens ont dû excéder l’apport des espèces. En 1854, on touche à la dépréciation des billets. En 1855, la guerre continuant, et avec la guerre les dépenses sans mesure, il faudra recourir à cet expédient qui est le masque ou le premier pas de la banqueroute, je veux dire la suspension des paiemens en espèces, le cours forcé du papier de crédit.

Quoi qu’il en soit, les billets qui circulent en Russie engagent le trésor et constituent pour lui une nouvelle dette flottante. C’est un passif de 12 à 1,300 millions qui ne peut que s’accroître, tandis que l’actif de 4 à 500 millions en espèces ou lingots que l’on tient en réserve va s’affaiblissant tous les jours.

La dette flottante de l’empire russe, dont le capital égale, ou peu s’en faut, le capital que représente la dette consolidée en France, se compose donc de trois élémens distincts. Le trésor doit d’abord le montant des billets de série, qui sont des bons de service remboursables à des échéances déterminées ; c’est une somme de 324 millions. Le terme indiqué pour le remboursement étant généralement de huit ans, le huitième seulement des émissions, une somme d’environ 40 millions, devient chaque année exigible. Viennent ensuite les billets de crédit, dont l’état a reçu le montant, soit en numéraire, soit en fournitures, et qu’il s’est engagé à rembourser sur la demande des porteurs, — une masse de 12 à 1,300 millions. Enfin, à titre de garant et sous le nom des établissemens de crédit, il doit aux propriétaires des dépôts confiés à ces institutions la somme fabuleuse de trois milliards deux cent et quelques millions qui sont toujours