c’est que le gouvernement a, de longue date, appliqué à des besoins personnels la plus forte partie de cette somme effrayante. Peu importe. Les fonds qu’il ne doit pas étant représentés par des annuités à longue échéance, le trésor n’en supporte pas moins tout le poids et tous les embarras des remboursemens immédiats. »
Pour rester complètement dans le vrai, il convient de faire remarquer que les établissemens de crédit, qui avaient reçu en dépôt, à l’ouverture de l’exercice 1853, 806 millions de roubles, en avaient prêté 893 millions. La différence entre ces deux chiffres, soit 87 millions (348 millions de francs), représente sans doute le capital de ces institutions accru de leurs réserves et de leurs bénéfices. Le compte-rendu officiel ne s’explique pas sur le capital des lombards, mais il indique ceux de la banque d’emprunt, de la banque du commerce et des directions de charité, qui s’élèvent ensemble à 36,530,000 roubles (environ 146 millions de francs). Ainsi, dans les créances qu’il faut porter à l’actif des établissemens de crédit, leur capital forme à peine le dixième des sommes prêtées. Un fonds social de 350 millions de notre monnaie, s’il était resté disponible, s’il était employé comme fonds de roulement, constituerait, pour parer aux remboursemens imprévus, une réserve importante ; mais non, aucune ressource ne demeure libre : capital, réserves, sommes reçues en dépôt, tout se trouve engagé dans des prêts à long terme. Les banques remboursent les dépôts qui sont réclamés avec les dépôts qu’elles reçoivent. On peut leur demander chaque jour les sommes déposées, tandis qu’elles ne peuvent faire rentrer dans leurs caisses les sommes qu’elles ont prêtées qu’à des échéances échelonnées dans un intervalle de trente-six ans. Pour tout dire, les établissemens de crédit prêtent en dette fondée et empruntent en dette flottante. Je ne conçois pas d’opérations moins régulières, ni de situation plus périlleuse en matière de crédit.
Dans les années prospères et par des temps calmes, une sorte de balance s’établit, il est vrai, entre les nouveaux dépôts et les retrats de fonds. En 1852, les sommes déposées s’élevèrent à 202 millions de roubles, et les sommes retirées à 198 millions ; l’excédant se trouva de 3 millions de roubles au compte de la recette. Dans les momens de crise, la balance penche bien vite du côté des remboursemens. Alors en effet, les épargnes du pays s’arrêtant, personne ne vient apporter de l’argent aux caisses publiques, et comme la détresse est générale, ceux qui avaient fait des épargnes et qui en avaient versé le produit se hâtent d’en demander la restitution pour les appliquer aux besoins du moment. C’est là ce qui arrive déjà, si l’on en croit le correspondant du Siècle : « Les banques et les lombards étaient, le jour de mon départ, doublement assaillis de demandes