compte, à la nation qui peut mettre en ligne les ressources les plus formidables et qui se trouve capable de soutenir la lutte plus longtemps. Rien ne le prouve mieux que l’exemple de l’Angleterre à une époque où, après avoir résisté au génie expansif de notre révolution, elle tenait en échec, au moyen de l’Europe soudoyée, le plus grand conquérant des temps modernes. Pour expliquer les événemens de 1814 et de 1815, il suffit de rappeler que la France, après des efforts gigantesques, se trouva plus tôt épuisée d’hommes que sa rivale ne fut épuisée d’argent.
Aujourd’hui comme alors, et peut-être plus qu’alors, la guerre organisée sur une grande échelle est principalement une question de budget. Il ne suffit pas de rassembler à un jour donné, et en prodiguant d’un seul coup toutes les ressources dont on peut disposer, des armées nombreuses, bien commandées et formées à l’école d’une discipline sévère ; ces armées, il faut encore les nourrir, les fortifier d’un puissant matériel de campagne et de siège, et les pourvoir de moyens de transport ; il faut réparer les pertes et combler les vides qu’ont bientôt faits dans les rangs le feu, le fer ainsi que les maladies ; tout cela suppose des trésors qui se renouvellent. La guerre concerne donc les administrateurs autant que les généraux. Avant de l’entreprendre, un grand état doit dresser le bilan de ses recettes et de ses dépenses, examiner jusqu’où peuvent aller ses ressources tant ordinaires qu’extraordinaires, ce que produira l’impôt et ce que donnera le crédit, mesurer en un mot sans illusion ses forces au fardeau.
Les questions de finance ne s’élèvent guère, ou tout au moins ne sont débattues avec l’attention qu’elles méritent et ne deviennent des questions politiques que pendant les loisirs réparateurs de la paix. Dans ces momens, un budget bien ou mal équilibré consolide ou renverse un ministère, et sir Robert Peel triomphe où lord Melbourne avait échoué. Alors encore un déficit fait éclater ou fait reculer une révolution : le déplorable état des finances exposé à l’assemblée des notables détermina le mouvement de 1789 ; l’enthousiasme factice de 1848 ne tint pas contre un impôt extraordinaire de 45 centimes. Il semble que les nations ne puissent s’occuper de la gestion de leur fortune que lorsqu’elles n’ont plus à verser leur sang.
C’est surtout pendant la guerre, et en vue des nécessités qu’elle entraîne, que l’on devrait agiter et mettre à l’ordre du jour ces graves difficultés. La guerre se rassasie d’or encore plus que de batailles : il y a peu de campagnes qui n’exigent un second budget. Le problème qui se pose en ce moment consiste à inventer des moyens d’action en quelque sorte illimités, sans imposer au pays de trop lourds sacrifices. Il faut rassembler de tous les côtés des eaux qui