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pour en faire disparaître certaines stipulations trop libérales suivant lui et incompatibles, disait-il, avec le principe monarchique qui faisait l’essence de la confédération.

Cette résistance des états secondaires était encouragée par l’empereur de Russie, à qui les délibérations de Carlsbad et de Vienne causaient beaucoup d’ombrage. Il comprenait la nécessité de réprimer en Allemagne les progrès de l’esprit révolutionnaire : le meurtre de Kotzebue avait produit sur son imagination une impression très vive, et des mesures qui auraient eu pour unique objet la répression des désordres du journalisme et des universités eussent obtenu son approbation ; mais son libéralisme, bien que déjà affaibli et un peu hésitant, s’effarouchait des tendances manifestes de la politique autrichienne contre le système constitutionnel. Habitué d’ailleurs à intervenir avec autorité dans toutes les grandes affaires de l’Europe, il ne pouvait prendre son parti d’être exclu cette fois des conseils où l’on débattait entre Allemands le sort de l’Allemagne, et qui, comme il le disait avec quelque raison, ne respectaient pas toujours l’œuvre du congrès de Vienne. Enfin l’ascendant que prenait l’Autriche le choquait d’autant plus qu’il était depuis longtemps, pour des motifs de nature très diverse, en mauvais rapports avec M. de Metternich. Il eût donc voulu contrarier son action, et le comte Capodistrias, après avoir visité Paris, fit un voyage à Londres pour engager lord Castlereagh à intervenir dans ce sens avec le cabinet de Saint-Pétersbourg ; mais cette tentative devait nécessairement échouer. Le cabinet de Londres à cette époque prenait peu de souci des atteintes que pouvait recevoir sur le continent la cause de la liberté ; il redoutait grandement l’esprit révolutionnaire, et l’union intime qui existait entre lui et l’Autriche ne pouvait que lui faire voir avec satisfaction la domination qu’elle commençait à exercer en Allemagne.

On trouve de curieux détails sur cette situation dans une lettre que le chancelier prussien, le prince de Hardenberg, écrivit à lord Castlereagh le 30 décembre 1819, après les conférences de Carlsbad, au moment où celles de Vienne allaient s’ouvrir. Après avoir félicité le ministre anglais de l’attitude noble, ferme et énergique prise par le cabinet de Londres en présence de la contagion morale qui se manifestait presque partout, disait-il, et qui, sans des mesures sages et efficaces, ne pouvait manquer de précipiter les états civilisés dans un abîme de malheurs, le prince de Hardenberg continuait ainsi[1] :


« Vous connaissez celles que nous avons cru devoir prendre de concert avec la cour de Vienne ;… vous savez que les ministres des membres de la fédération sont maintenant assemblés à Vienne pour se concerter sur ce qui reste à faire, tant pour opposer une digue aux menées des révolutionnaires

  1. Cette lettre est en français dans l’original.