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la liste et le commentaire des sept propositions, qui, liées l’une à l’autre, forment la théorie générale de la vérité, puis le dénombrement raisonné des conditions auxquelles se réalisent ou se connaissent les diverses sortes de vérité, et des facultés qui correspondent à chacune d’elles, enfin l’analyse des quatre formes ou moyens de connaissance qui, dans leur ordre vrai, constituent l’esprit humain, savoir : l’instinct naturel, — le sens interne ou la sensibilité tant affective que morale, — le sens externe ou la sensibilité tant perceptive qu’organique, — enfin le raisonnement, qui ajoute aux notions puisées aux trois premières sources, et qui même les redresse en même temps qu’il les développe. On sent qu’il y a là toute la matière d’une psychologie et d’une logique. Dans l’une et l’autre, on trouve du vrai et de l’original ; mais nous renvoyons au texte.

Le point dominant, c’est ce que lord Herbert conçoit si bien et désigne assez malheureusement, l’instinct naturel. Cette puissance propre de la raison, il ne peut que l’analyser, la dégager de tout ce que les autres facultés y ajoutent d’accessoire ou d’erroné. Le raisonnement n’a lui-même de fondement que dans les notions universelles, ou principes évidens, qu’il doit à l’instinct naturel. Là est la partie vraiment divine de l’esprit, l’instrument immédiat de la Providence, quelque chose d’elle en nous et comme sa marque sur notre âme. Aussi les connaissances que nous tenons de l’instinct naturel ont-elles un caractère d’universalité qui les met au-dessus du doute, qui constitue leur légitime et irrésistible autorité. De ces notions, la plus élevée comme la plus caractéristique est Dieu ; l’instinct naturel qui en vient y retourne de lui-même ; aussi peut-on dire que son objet, celui de toutes les facultés qui lui sont subordonnées, est le souverain bien ou la béatitude éternelle, comme on voudra l’appeler. « Si Dieu n’avait gravé dans l’homme le type de l’infini, comment l’homme serait-il formé à son image ? »

Mais de cette autorité des notions universelles ou de l’instinct naturel, il suit que tout ce qui n’est ni universel ni naturel au même titre est en possession d’une autorité moindre. La nature est l’expression de la Providence divine universelle ; elle est cette providence même dans les choses. La grâce n’est que la Providence divine particulière. Les vérités de la nature sont donc aux vérités de la grâce comme l’universel au particulier. Les premières sont les seules indubitablement divines. Tout ce qui n’est point frappé à la même empreinte n’est point faux pour cela, mais ne peut avoir qu’une vérité subordonnée, ou n’appartient qu’au domaine du vraisemblable et du possible. C’est ainsi que lord Herbert distingue la religion naturelle de la religion révélée, ou plutôt la révélation primitive et générale de la révélation locale et particulière. Toute église, toute philosophie, toute législation ne possède à ses yeux une autorité absolue,