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Son favori était un M. de Luynes, qui dès son jeune âge avait beaucoup gagné auprès de lui en dressant des faucons à voler sur tous les petits oiseaux de ses jardins, et en faisant ensuite à ces petits oiseaux attraper des papillons. Et si le roi ne s’en était servi que pour cela, on aurait pu le tolérer ; mais quand le roi fut plus avancé en âge, le gouvernement des affaires publiques ayant été principalement dirigé par les conseils de Luynes, il ne se commit pas peu de fautes. La reine-mère, les princes et nobles de ce royaume furent si mécontens de l’empire de ses conseils sur le roi, qu’il en résulta finalement une guerre civile. L’inaptitude de cet homme pour le rôle d’influence qu’il avait près de son maître peut se juger par un fait : il fut question une fois de quelques affaires concernant la Bohême, et il demanda si c’était un pays au milieu d’un continent ou sur une mer. »

Herbert avait le projet d’écrire une relation politique de son ambassade, ayant conservé toutes ses dépêches, qui doivent exister encore et qui mériteraient d’être recherchées. Les événemens dont il dit que sa relation aurait parlé font regretter qu’il n’ait pas écrit ce morceau d’histoire. Il a insisté dans ses mémoires sur des visites, sur la tenue de sa maison et de sa table, sur le choix de ses domestiques, enfin sur des disputes de préséance et d’étiquette. On y peut lire le récit assez curieux d’une querelle de ce genre avec l’ambassadeur d’Espagne. On doit se fier à lui pour avoir soutenu son rang avec une ombrageuse ténacité. Il s’en excuse en rappelant combien les Espagnols sont eux-mêmes chatouilleux sur leurs pundonores (points d’honneur), et il cite cette réponse d’un ambassadeur de Philippe II, à qui ce prince reprochait d’avoir fait une affaire d’importance d’une pure cérémonie [per una ceremonia) : « Comment ! cérémonie ! mais votre majesté elle-même n’est qu’une cérémonie. »

L’ambassade de sir Édouard Herbert fut de son aveu assez tranquille. Aussi a-t-il peu de chose à en raconter, si ce n’est qu’il grandit d’un pouce à la suite d’une fièvre quarte, et qu’ayant laissé sa femme en Angleterre, il ne put réussir à lui rester en France toujours fidèle ; mais les affaires et même les plaisirs lui laissèrent au moins du temps pour son livre, for my book, comme il dit, et c’est à Paris qu’il composa la plus grande partie de son Traité de la Vérité.

Dans ses mémoires, il ne dit mot ni des démêlés de Louis XIII et de sa mère, ni de la guerre de trente ans, qui commença en 1618, et peu s’en est fallu que l’épisode le plus intéressant de son ambassade n’ait été une certaine promenade dans le jardin des Tuileries, un jour qu’il eut l’honneur d’y donner le bras à la reine Anne d’Autriche. Le roi, pendant ce temps, tirait sans la voir des oiseaux sous les arbres. Un coup de feu subit effraya la reine, et même quelques grains de plomb tombèrent dans ses beaux cheveux blonds célébrés par l’histoire. Elle fit prier le roi de chasser un peu plus loin, et le vieux duc de Bellegarde, qui se posait en adorateur de la reine, se