il la vit à travers les rideaux couchée sur son lit et tenant d’une main une bougie allumée, de l’autre un portrait. À son approche, elle souffla la bougie et cacha le portrait ; mais il marcha droit à elle, ralluma le flambeau, et parvint à voir la figure qu’elle contemplait avec une attention si passionnée : cette figure était la sienne. Le Dieu éternel lui est témoin, dit-il, que l’honneur de cette dame est resté sauf. Une autre lady qu’il ne nomme point, et qui pourrait bien être la reine, lui faisait dire souvent de la venir voir, et il s’en abstenait autant qu’il le pouvait sans l’offenser. Il explique toute sa conduite par son amour pour une autre dame anonyme, qu’il proclame la plus belle de son temps. Toutefois, agité de cette complication d’aventures, il en eut la fièvre, et il commençait à se remettre, lorsqu’il apprit de plusieurs amis que sir John Ayres, toujours poursuivi de soupçons jaloux, voulait le venir tuer dans son lit. Comme on lui conseillait de se faire garder, il pria son parent sir William Herbert, celui qui fut plus tard lord Powis[1], d’aller trouver sir John, et de lui faire part de l’étonnement où le jetaient des avis si étranges, ajoutant que s’il s’agissait d’une entrevue plus loyalement demandée, il serait à ses ordres dès qu’il pourrait se tenir debout. La réponse fut ambiguë. Le mari, se croyant outragé, persistait dans son noir dessein ; mais, n’ayant pu surprendre un ennemi bien averti, il lui écrivit pour lui demander un entretien, en lui promettant sûreté. Herbert répondit qu’il le venait sur le terrain ou qu’il ne le verrait pas du tout, étant instruit de ses projets d’assassinat. En effet, un jour qu’il était allé à Whitehall avec deux laquais, sir John Ayres se mit en embuscade, en compagnie de quatre hommes armés, au lieu nommé Scotland-Yard, derrière le palais en venant du Strand. Il attendit qu’Herbert montât à cheval à Whitehall-Gate, et l’épée d’une main, une dague de l’autre, il se porta sur lui à l’improviste, mais heureusement ne blessa que son cheval au poitrail. L’animal effrayé se jeta de côté, ce qui donna à Herbert le temps de tirer son épée. Cependant l’assassin l’attaqua de nouveau, et ses satellites blessèrent le cheval, qui, en ruant et se défendant, les tint à distance. Herbert s’était mis en défense, mais son épée se rompit, et un passant, le voyant ainsi presque désarmé, sur un cheval tout sanglant, lui cria à plusieurs reprises de gagner au large. Le paladin, ne voulant pas qu’il fut dit qu’il eût jamais fui, essaya de descendre, et il avait déjà mis un pied à terre, que le cheval, toujours pressé par les assaillans, le poussa violemment et le renversa, l’autre pied pris dans l’étrier. Le danger était
- ↑ William, fils aîné de sir Édouard Herbert, le second fils du comte de Pembroke, fut fait baron la cinquième année de Charles Ier sous le titre de lord Powis, de Powis dans les marches du pays de Galles. Il mourut en 1655. Il y eut donc sous Charles Ier trois pairies dans la famille Herbert, Pembroke, Powis et Cherbury.