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à chasser le loup et le sanglier. Quelquefois il quittait Mello pour visiter le vieux seigneur dans son autre palais. Une description détaillée de ce célèbre Chantilly témoigne assez combien il admirait le lieu pour lequel Charles-Quint disait qu’il donnerait une de ses provinces des Pays-Bas. Henri IV demandait un jour à Montmorency d’échanger Chantilly contre un de ses châteaux : « Sire, la maison est à vous, dit le connétable, mais que j’y sois votre concierge. »

Après huit mois d’équitation savante, Herbert alla prendre congé de son hôte et le remercier de ses nobles bontés. Le vieux duc l’embrassa en lui promettant bon souvenir et lui donna un de ses chevaux, un genêt d’Espagne qui avait coûté cinq cents couronnes, et comme Herbert cherchait à reconnaître cette libéralité, il lui fit dire gracieusement que, si en revenant en Angleterre il pouvait lui envoyer une jument qui allât l’amble naturel, il lui ferait un grand plaisir.

Après le connétable, notre voyageur ne se réjouit de rien tant que d’avoir vu chez son ambassadeur cet vicomparable érudit {scholar) Isaac Casaubon, et d’avoir mis à profit son docte entretien. Quant au roi Henri IV, il demanda un jour dans le jardin des Tuileries qui était Herbert, l’accueillit avec son affabilité ordinaire, l’embrassa, et le fit longtemps causer. La reine répudiée, Marguerite de Valois, tenait alors une cour assez brillante. Elle fit inviter Herbert à ses bals et à ses mascarades. À l’une de ces réunions, il était à côté d’elle, et l’on attendait l’entrée des danseurs, lorsque quelqu’un frappa à la porte un peu plus fort que d’usage. Puis le personnage parut, et l’on entendit aussitôt murmurer parmi les dames : « C’est M. de Balagny. » Ce fut alors à qui l’aurait près de soi, et lorsqu’une des dames l’avait retenu quelques momens, les autres lui disaient : « Vous en avez joui assez longtemps, il faut que je l’aie à mon tour. » Cependant sa personne n’avait rien aux yeux d’un étranger qui motivât un accueil si recherché. Ses cheveux grisonnans étaient coupés très court, son pourpoint était d’une grosse toile taillée en chemise et ses hautes-chausses d’un drap gris assez commun. Herbert demanda qui ce pouvait être. On lui apprit que c’était un des plus braves hommes de France, et qu’ayant tué huit ou neuf personnes en combat singulier, les dames ne croyaient jamais en avoir trop fait pour lui.

C’était Damien de Montluc, seigneur de Balagny, le fils du maréchal de ce nom, de ce bâtard de Montluc, qui eut pour père le célèbre