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Fitz-Herbert, chambellan de Henri Ier ou peut-être d’un Fitz-Roy, son fils, vivait sous Édouard IV et fut créé baron, puis comte de Pembroke. C’est le premier pair de la famille. Le second fils de son frère, sir Richard Herbert de Colbrook, fut le bisaïeul d’Édouard Herbert de Montgomery-Castle, d’abord chevalier, puis pair d’Irlande, et enfin pair d’Angleterre sous le titre de baron Herbert de Cherbury dans le Shropshire, C’est le philosophe dont nous allons esquisser l’histoire, au risque de paraître quelquefois retracer les faits et gestes d’un courtisan frivole et querelleur, en parlant d’un émule de Bacon et d’un prédécesseur de Locke.

Il était né à Eyton, dans le même comté de Shrewsbury, en 1582, sous le règne d’Elisabeth[1]. Rien ne nous serait plus facile que de donner sur sa famille de nombreux détails. Nous les puiserions dans sa biographie, écrite par lui-même, un des plus étranges témoignages, dit Horace Walpole, qu’un homme ait jamais rendus de lui-même.

Ce récit fort original, ingénuement écrit, et qui fait encore plus connaître les goûts, le caractère et les opinions de l’auteur que les circonstances de sa vie, resta inconnu pendant près d’un siècle. Retrouvé dans le manoir d’une des branches de la famille, il fut rendu à lord Powis, héritier des titres de lord Herbert, et parvint dans les mains d’Horace Walpole, dont il excita et amusa la curiosité. On sait que cet amateur délicat du rare et du piquant avait à Strawberry Hill une imprimerie particulière, qu’il n’employait qu’à la publication d’ouvrages de son choix. De ses presses est sortie la première édition de la Vie d’Édouard, lord Herbert de Cherbury, écrite par lui-même, (1764), avec une épître dédicatoire à Henry Arthur Herbert, comte de Powis, et une préface composée par le noble et spirituel éditeur. C’est cet ouvrage trois fois réimprimé[2] qui nous permet d’entretenir quelques instans nos lecteurs d’un personnage au moins aussi singulier que ses livres sont remarquables.


II

Il commence son récit en exprimant le regret que ses ancêtres n’eussent pas consigné par écrit les souvenirs et les réflexions de toute leur vie. De tels documens transmis dans les familles feraient profiter

  1. On place ordinairement la naissance de lord Herbert en 1581. Cette date s’établit par induction, car il ne la donne pas dans les mémoires de sa vie ; mais il dit qu’il se maria à quinze ans en 1598, ce qui ne permet pas de le faire naître avant 1582.
  2. Londres 1770, Edinburgh 1809, Londres 1826, 1 vol. in-8o.