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ils ne peuvent pour le moment réussir à vaincre les difficultés qui s’opposent à un rapprochement. Le cabinet de La Haye en est donc réduit à se défendre avec ses forces actuelles contre les diverses oppositions qui existent dans le parlement. En attendant, les luttes politiques qui se renouvelleront probablement plus vives dans la session prochaine, le ministère a cru devoir prolonger la session actuelle, pour mener à bonne fin la discussion du statut colonial, qui est toute une législation laborieusement préparée. Nous n’entrerons pas dans les détails de ce projet considérable, dont la discussion a mis en présence deux principes opposés en fait de gouvernement colonial : l’un qui subordonne les intérêts des possessions d’outre-mer à ceux de la métropole, l’autre qui aboutit au résultat contraire. Cette discussion, qui touche à un intérêt si important pour la Hollande, aura eu dans son ensemble un résultat utile, celui d’éclairer bien des questions d’une lumière pratique et de conduire à une appréciation plus saine de bien d’autres. En dehors de cette affaire du statut colonial, le débat législatif le plus sérieux est celui qui a eu lieu sur une interpellation nouvelle de M. Thorbecke au sujet des affaires étrangères. M. Thorbecke est revenu encore sur le droit des neutres, qu’il trouve peu clair, sur l’emprunt russe, sur le stationnement d’un bâtiment français dans les ports hollandais. Le ministre des affaires étrangères, comme on le pense, ne s’est pas cru obligé de suivre M. Thorbecke dans tous ses développemens et dans des discussions abstraites. Il a seulement éclairci les divers faits qui avaient motivé les interpellations, et quant à l’affaire de l’emprunt russe, il a ajouté qu’il y avait eu entre la France et la Néerlande les explications les plus satisfaisantes, de nature à garantir, les droits de la France comme puissance belligérante,’ainsi que ceux de la Hollande comme état neutre. Il n’en pouvait être autrement.

CH. DE MAZADE.


Les discussions sur la guerre, qui ont occupé la semaine dernière deux séances de la chambre des communes, ont présenté, malgré la réserve dans laquelle elles ont été contenues, un très grand intérêt. La politique de la guerre d’Orient avec toutes les questions complexes de systèmes et d’alliances qu’elle soulève ne peut être resserrée uniquement dans le cercle mystérieux de l’action diplomatique : les notes de cabinet, les entretiens confidentiels de ministres et d’ambassadeurs, les conférences de plénipotentiaires ne suffisent point à la direction d’une si grande affaire européenne. Il y a en Europe une puissance dont l’appui est indispensable, qu’il faut instruire, qu’il faut couvaincre, avec laquelle il faut traiter sans cesse ; cette puissance est l’opinion publique. En Angleterre, cette puissance a son organe régulier dans le parlement. Le ministère anglais, avant la prorogation des chambres, a dû leur exposer la situation politique actuelle ; les séances de la chambre des communes dont nous parlons ont été pour ainsi dire une conférence du gouvernement anglais avec l’opinion publique. Par les points qu’elle a mis en lumière, les engagemens qu’elle a proclamés, par les systèmes d’alliance qu’elle a annoncés, la délibération publique de Wesminster a eu certes au moins autant de gravité et d’importance que bien des conférences de Vienne terminés par des protocoles.