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Seul, Roz-Venn le chanteur vit d’un œil de pitié
Celui dont il sentit souvent l’inimitié  :
« Prenez, lui cria-t-il, le bout de mon écharpe ! »
Mais le barde expirait tout sanglant sur sa harpe.

La fosse fut comblée et, la main dans la main,
Dames, clercs et seigneurs chantaient le lendemain  :
« Rî-Wall est chez les morts, que l’enfer lui pardonne !
Rî-Wall chez les vivans ne mordra plus personne. »

*


Assis dans son foyer, les pieds sur le tison,
Voilà ce que contait un vieux chef de maison.
Il reprit  : « Fuyez donc, mes enfans, la satire ;
Mais aimez la gaîté sans fiel, aimez le rire.
Tel qu’il brille à cette heure, Héléna, dans vos yeux  :
La gaîté d’un bon cœur rend tous les cœurs joyeux. »


III.



LES ÉCOLIERS DE VANNES.


SECONDE ÉPOQUE. — 1835.[1]


I.

Tes usages pieux, restes des anciens jours,
Bretagne, ô cher pays, tu les gardes toujours.
Et j’ai redit les mœurs et les travaux rustiques  :
Oh ! si j’avais vécu dans tes âges antiques,
Lorsque, le fer en main, durant plus de mille ans.
Tu repoussais l’assaut des Saxons et des Franks,
Te levant chaque fois plus fière et plus hardie.
Toute rouge de sang et rouge d’incendie,
Ô grand Noménoé, Morvan, rivaux d’Arthur,
Maniant près de vous la claymore d’azur.
Quels chants j’aurais jetés dans l’ardente mêlée !
Toute gloire serait par la nôtre égalée.
J’ai la corde d’argent et la corde d’airain  :
Mais il est pour le barde un maître souverain,

  1. La première partie de ce poème sur l’insurrection, royaliste et les combats du collège de Vannes en 1815 a déjà été publiée (voyez la Revue du 1er  mai 1842) ; le temps seul pouvait révéler la conclusion toute morale et religieuse de cette histoire, conclusion non moins poétique que le début.