Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/555

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Pour apaiser sa soif ardente, les nuages
S’assemblent  : quels flots d’or nous versent ces orages !
Puis le ciel, appelant d’un beau nom le soleil.
Dit  : — Séchez le froment, ô mon astre vermeil !

« Ainsi mûrit le blé, divine nourriture,
Ce frère du raisin, boisson joyeuse et pure ;
Dieu même a consacré le céleste présent  :
— Mangez, voici ma chair ; buvez, voici mon sang. »

LES MOISSONNEURS.

« Honneur, honneur au blé ! Trois fois, garçons et filles.
Faisons reluire en l’air et sonner les faucilles ! »
Et tous, jusqu’aux vieillards un moment rajeunis,
Chantaient, et sous leurs pieds bruissaient les épis.
Le dimanche suivant, une gerbe votée
À l’église du bourg en pompe était portée.
Et le prêtre disait, la posant sur l’autel  :
« Gloire et remercîment à l’ange Gabriel ! »


II.


LE BARDE RI-WALL.


IIIe siècle.


Des temps qui ne sont plus écoutez une histoire.
Les méchans ont parfois leur châtiment notoire  :
Tel le barde Rî-Wall. Depuis quinze cents ans,
Sa mort fait chaque hiver rire nos paysans,
Lorsque le vent du soir au dehors se déchaîne
Et qu’au fond du foyer brille un grand feu de chêne.

*


Quand Rî-Wall le rimeur disparut tout à coup
Dans la fosse où déjà s’était pris un vieux loup,
Devant ces blanches dents, devant ces yeux de braise,
Le barde au pied boiteux n’était guère à son aise.

Lui qui raillait toujours, certe il ne raillait plus ;
Et dans son coin, le loup, tout piteux et confus,
Ses poils bruns hérissés et sa langue bavante.
Épouvanté, tâchait d’inspirer l’épouvante.

Tous deux se regardaient : « Hélas ! pensait Rî-Wall,
Avec ce compagnon il doit m’arriver mal !