montré l’habileté et la persévérance qui justifient les grands succès de l’ambition ; ils ont pu déployer en outre les ressources militaires et financières dont devait s’entourer tout pouvoir prétendant à recueillir l’héritage d’Akbăr. Avec la grandeur des résultats obtenus a dû s’accroître sans doute la confiance dans l’avenir ; mais ce qui caractérise particulièrement l’époque actuelle du gouvernement de l’Inde par l’Angleterre, et ce qu’il importe de faire ressortir, c’est que l’ambition britannique, sans s’arrêter dans sa marche, entrevoit qu’elle peut être entraînée désormais vers un but plus désintéressé, plus honorable et conséquemment plus grand en réalité que celui auquel elle aspirait depuis un siècle. Osons donc espérer que l’Angleterre, inspirée par la grandeur même de la situation, aidée de l’expérience et du temps, saura reconnaître et saisir l’instant où il pourra convenir aux intérêts du monde qu’elle remette aux peuples de l’Inde le soin de leurs destinées.
Dès à présent, et bien que le concours moral du parlement ait manqué au gouvernement de la compagnie, il ne semble plus permis d’accuser ce gouvernement d’imprévoyance et d’inhumanité ; on ne saurait même se refuser à reconnaître[1] qu’il a tendu de plus en plus, sous le régime de la dernière charte, à exercer une influence salutaire sur la condition sociale et l’avenir des peuples de l’Hindoustan. Nous maintiendrons donc une opinion déjà exprimée en 1840 : « Oui, ces peuples jouissent aujourd’hui de plus d’indépendance relative, de repos, d’aisance et de bonheur qu’ils n’en avaient eu en partage pendant dix siècles ; » mais nous ajouterons comme alors, à un mot près : « Le gouvernement sur qui pèse la responsabilité de leur avenir n’a cependant pas fait pour eux tout ce qu’il aurait pu, tout ce qu’il aurait dû faire ; il comprendra que le temps est venu de substituer à une exploitation égoïste une administration prévoyante et paternelle. »
Il faut n’avoir pas étudié sérieusement l’histoire de l’Inde et des invasions musulmanes en particulier, ou méconnaître de parti pris les vices inhérens à toute administration native depuis des siècles et les bienfaits inséparables de l’administration européenne dans l’état actuel de la civilisation, pour ne pas avouer que le gouvernement anglais des Indes orientales a servi, par la seule force des choses et dans son propre intérêt au moins, la cause de l’humanité[2], quand
- ↑ D’après un examen attentif des documens officiels qui se rapportent aux quinze dernières années.
- ↑ Un observateur éminent, esprit impartial d’intention, quoique trop souvent passionnée et précipité ans ses jugement, Jacquemont, a très bien su dégager ce fait capital de l’ensemble de ses observations de détail. (Voir sonn Voyage, sixième partie, pag. 362 et 383.)