Le gouvernement fondé par Akbăr devait porter l’empreinte des mœurs et des habitudes de son temps et de sa race, habitudes essentiellement militaires, mœurs égalitaires, douces, simples et polies en théorie, aristocratiques, vaniteuses et sensuelles dans la pratique. Le caractère d’Akbăr n’était pas exempt des défauts que l’histoire impartiale reproche à son père et à son grand-père ; mais il se distinguait éminemment de l’un et de l’autre par le sentiment profond qu’il avait des droits de l’humanité aussi bien que par la tournure philosophique de son esprit. Convaincu de l’origine divine du pouvoir et porté par les tendances ambitieuses de son génie à l’absolutisme, au maintien des privilèges et aux exigences d’une étiquette exagérée, son respect pour la raison, son admiration instinctive pour les œuvres de l’intelligence, la rectitude et l’élévation de son jugement et son amour pour ses semblables, l’entraînaient au contraire à reconnaître et à proclamer le dogme de l’égalité devant Dieu, devant la loi, devant la société. Ses actes et ceux de son ministre se sont ressentis de cette double tendance. L’empire moghol, dans la pensée d’Akbăr, devait avoir une constitution militaire, un gouvernement de représentation et surtout une administration paternelle. Tous les efforts du législateur, toutes les prescriptions de l’administrateur, furent dirigés vers ce but à dater du jour où le cœur et le génie d’Akbăr trouvèrent un écho dans le cœur et le génie d’Abou’l-Fazl. C’est là ce qui ressort pour nous de l’étude de l’Ayîn Akbari et de celle de l’histoire de l’Hindoustan depuis le règne d’Akbăr. Telle était en effet l’importance des principes de libéralité, de tolérance et de justice qui présidèrent à l’administration de ce souverain, qu’on peut affirmer que non-seulement de l’abandon de ces principes salutaires a daté la décadence de l’empire moghol, mais que la domination nouvelle élevée par les Anglais sur les ruines de ce vaste empire n’a pu se consolider et s’étendre au point où nous l’admirons aujourd’hui (sans l’envier toutefois) que par un sage retour aux nobles idées et aux pratiques gouvernementales de l’empereur Akbăr.
Les progrès réalisés dans l’intervalle par la civilisation européenne ont puissamment aidé d’ailleurs à la reconstruction de l’édifice politique, et ont amené le développement gigantesque de cette structure merveilleuse dont Akbăr avait jeté les bases. C’est ici le lieu d’invoquer l’opinion de Warren Hastings. Ce grand homme regardait les instituts d’Akbăr comme admirablement adaptés au génie des peuples de l’Hindoustan ; il recommandait aux directeurs de la