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avenir ; — ses chevaux ont été choisis parmi ceux qui portent bonheur (mesaoudin) et de la généalogie la plus vraie ; — ses slougui, il les a nourris de dattes écrasées dans du lait, du kouskoussou de ses repas : il les a dressés lui-même, et tandis que les chiens roturiers de la tribu aboient la nuit aux hyènes et aux chacals, les slougui couchent à ses pieds sous la tente et jusque sur son lit ; — ses faucons ont été élevés sous ses yeux par son fauconnier (biaz), et lui-même a eu soin de les habituer à son cri de lancer et de rappel.

Dans ses équipages de guerre et de chasse se pressent les fusils de Tunis ou d’Alger, damasquinés, montés en argent, et dont le bois est incrusté de nacre ou de corail, les sabres de fass aux fourreaux d’argent ciselés, les selles brodées or et soie sur velours ou sur maroquin. Pour compléter l’équipement, nommons encore la sabretache (djibira) ornée de peau de panthère, les éperons (chabir) argentés, incrustés de corail ; le medol, haut et large chapeau de paille, empanaché de plumes d’autruche ; la cartouchière (mahazema) en maroquin piqué de soie, d’or et d’argent.

Un jour, quand son père aura payé la contribution que Dieu frappe sur toutes les têtes, cette vaste tente (kheima) sera sienne, avec tous ses meubles de luxe, tapis, coussins de repos, sacs à bijoux, tasses en argent, provisions de chasse, de guerre et de bouche pour toute la famille, au nombre de vingt-cinq ou trente, maître et serviteurs. À lui seront encore cet étalon et ces jumens entravés en vue de la tente, ces huit ou dix nègres et négresses, ces dépôts de blé, d’orge, de dattes, de miel, prudemment placés à l’abri d’un coup de main dans un kueseur (village), ces huit ou dix mille moutons, ces cinq ou six cents chameaux dispersés au loin dans les pâturages sous la garde de bergers errant avec eux. Sa fortune alors pourra être évaluée à 25 ou 26,000 douros (125 ou 130,000 francs).

À l’âge où nous l’avons laissé, dix-neuf ou vingt ans, il n’a point encore à se préoccuper de la gestion de cette fortune. C’est un homme de plaisir aujourd’hui. En temps de paix, à cheval, suivi de ses amis et de quelques serviteurs, montés sur des chameaux, qui tiennent en laisse ses lévriers ou même les portent devant eux, quand il se rendra aux pâturages éloignés pour visiter les troupeaux, ce sera l’occasion d’une chasse à l’autruche, à la gazelle, au begueur el ouhache, selon le terrain et la saison. Ses éclaireurs, lancés à la découverte, ont-ils signalé des autruches, les chasseurs, gagnant l’espace, les enlaceront dans un cercle d’abord immense, et qui se resserrera peu à peu jusqu’à ce que, les ayant en vue, on se lance sur elles à fond de train en jetant le cri de chasse. Chacun choisit sa victime, la suit dans les mille tours et détours de sa course désordonnée, l’atteint