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mules les accompagnent. On choisit pour cette heureuse mission les plus jeunes et les plus jolies filles de la tribu. La route, qui dure quelquefois trois journées, est une fantasia continuelle. Les chevaux galopent, la poudre résonne, et les femmes jettent au vent ce long cri d’amour et de joie qui remplit d’un attendrissement indicible l’âme des enfans du désert.

Quand ce cortège triomphal arrive, le père de la fiancée se présente : « Soyez les bienvenus, dit-il, ô les invités de Dieu ! » Et ce sont des repas, des réjouissances jusqu’au lendemain, où l’on se met en marche de nouveau. Cette fois la mariée est dans la troupe, montée sur une mule ou sur une chamelle richement caparaçonnée. Elle n’a pas dit adieu à son père. Un sentiment un peu raffiné de pudeur lui interdit de paraître devant lui au moment où sa condition va changer. Il lui a été également défendu de voir ses frères aînés. Sa vie de jeune fille est finie ; désormais c’est à une autre famille qu’elle appartient. Au moment du départ, sa mère l’embrasse tendrement et lui dit :


« Vous allez quitter ceux dont vous êtes sortie, vous allez vous éloigner du nid qui vous a si longtemps abritée, d’où vous vous êtes élancée pour apprendre à marcher, et cela pour vous rendre chez un homme que vous ne connaissez pas, à la société duquel vous n’êtes pas habituée. — Je vous conseille d’être pour lui une esclave, si vous voulez qu’il soit pour vous un serviteur. — Contentez-vous de peu. Veillez constamment sur ce que ses yeux pourraient voir, et que ses yeux ne voient jamais d’actions mauvaises. — Veillez à sa nourriture, veillez à son sommeil ; la faim cause l’emportement, l’insomnie donne la mauvaise humeur. — Ayez soin de ses biens, traitez avec bonté ses parens et ses esclaves. Soyez muette pour ses secrets. — Lorsqu’il sera joyeux, ne vous montrez pas chagrine. — Lorsqu’il sera chagrin, ne vous montrez pas joyeuse.

« Dieu vous bénira ! »


Pendant que s’accomplit ce voyage nuptial, le fiancé a préparé une tente richement ornée qu’il a placée sous la surveillance de quelques amis. C’est là qu’entre la mariée avec sa mère et ses parentes. On lui offre un repas recherché, et autour d’elle se célèbre une fête où depuis la poudre jusqu’à la musique on a réuni tout ce qui entretient la joie au désert. À dix heures du soir, le mari se glisse dans la tente, devenue déserte et silencieuse. Le lendemain matin, la mère de la mariée reçoit des mains de l’époux la chemise de sa fille. Elle étale aux yeux de tous ce trophée et dit à l’épouse fière et honteuse à la fois : « Que Dieu te donne la force et la santé ! Tu n’as pas trompé nos espérances, tu es une brave fille, tu n’as jamais jauni notre figure. »

Les fêtes d’un mariage se prolongent souvent pendant trois jours