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LA NOBLESSE
AU DÉSERT


« Prends un buisson épineux, me disait un jour l’émir Abd-el-Kader, et pendant une année arrose-le avec de l’eau de rose, il ne donnera que des épines ; prends un dattier, laisse-le sans eau, sans culture, et il produira toujours des dattes. » Suivant les Arabes, la noblesse est ce dattier, et la plèbe est ce buisson d’épines.

En Orient, on croit aux puissances du sang, à la vertu des races ; on regarde l’aristocratie non-seulement comme une nécessité sociale, mais comme une loi même de la nature. Personne ne songe, comme chez les peuples de l’Occident, à se mettre en révolte contre cette vérité qu’on accepte au contraire avec une placide résignation. « La tête est la tête, la queue est la queue, » vous dit le dernier des bergers arabes. Si le peuple chez qui règne cet axiome a, lui aussi, des chimères dont il est tourmenté, il y a du moins des ambitions dont il ne souffre pas : on ne voit pas comme chez nous des milliers de cervelles s’agiter dans un perpétuel délire pour trouver le moyen de transformer la queue en tête et la tête en queue.

Outre cette noblesse d’origine lointaine et sacrée qui se compose des descendans du prophète (les chérifs), il y a chez les Arabes deux noblesses bien distinctes ; l’une est la noblesse de religion, l’autre est la noblesse d’épée. Les marabouts et les djouads, — ainsi s’appellent ces deux races d’hommes qui tirant leur éclat, les uns de la piété, les autres du courage, ceux-ci du combat, ceux-là de la prière, — se poursuivent d’une haine implacable. Les djouads font