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table chef de l’insurrection, le général Léopold Ô’Donnell, qui avait réussi à se tenir caché depuis quelque temps. Les troupes se sont immédiatement rangées sous ses ordres, et le pronunciamiento a été accompli. Ce qu’il y avait de plus grave, c’est que la reine était absente ; elle se trouvait à la résidence royale de la Granja ; plusieurs ministres étaient également absens. Ce n’est que le soir que la reine rentrait à Madrid avec ses ministres. En présence d’un fait aussi déplorable qu’une insurrection militaire, il n’y avait point évidemment d’autre conduite à tenir que de se préparer à la vaincre. Seulement le gouvernement ne savait plus s’il pouvait compter sur la garnison de Madrid, moralement ébranlée et matériellement diminuée des forces passées aux insurgés. De là une certaine tergiversation au premier moment. Ce n’est que le 30 juin qu’un combat a eu lieu entre les troupes restées fidèles et les insurgés à Vicalvaro, presque aux portes de Madrid. La reine Isabelle, dit-on, voulait monter à cheval pour aller se présenter aux insurgés, et les ministres ont eu quelque peine à l’empêcher de réaliser son projet. Le combat de Vicalvaro, par une circonstance étrange, a été soutenu de part et d’autre avec une incroyable énergie. Était-ce un succès pour les troupes fidèles ? Il paraît que ce succès a été douteux ; mais le gouvernement avait obtenu un grand résultat : il était sûr des troupes et désormais il pouvait agir, tandis que les insurgés restaient isolés. Depuis le combat de Vicalvaro, il n’y a point eu du reste d’autre engagement ; mais en ce moment les insurgés, commandés par O’Donnell, se retirent vers l’Andalousie, et ils sont poursuivis par une colonne expéditionnaire aux ordres du ministre de la guerre lui-même, le général Blaser. L’insurrection ne semble pas avoir recruté de nouveaux adhérens dans l’armée, si ce n’est que le général Serrano, retiré Andalousie, s’est joint à O’Donnell. Elle n’a point non plus trouvé d’écho dans le pays ; l’Espagne est restée complètement tranquille. Madrid s’est vue même presque un jour entier sans garnison pendant que les troupes étaient à Vicalvaro, et aucune scène d’agitation n’a eu lieu, pas un cri hostile n’a été poussé. Jusqu’ici il n’y a eu qu’une bande qui a paru dans la huerta de Valence. Cette attitude de l’Espagne est assurément remarquable. Il faut en conclure que l’insurrection sera probablement dispersée, d’autant plus que de toutes parts les troupes royales sont mises en mouvement ; mais l’insurrection une fois vaincue, cela veut-il dire que la situation du ministère restera bien assurée ? Le malheur du cabinet du comte de San-Luis dans les circonstances critiques où se trouve l’Espagne, c’est de manquer d’autorité. Il aura réprimé le mouvement ; mais les séditions de ce genre ne se succéderont-elles pas ? Là est le danger pour la Péninsule. Nous savons bien que depuis longtemps les partis espagnols sont dans un état singulier de décomposition, et qu’ils ne peuvent guère offrir un point d’appui solide. Il y a cependant à considérer s’il peut être utile pour la reine Isabelle de tenir éloignés de son trône les hommes qui l’ont défendue avec le plus d’énergie et de talent, et qui ont une fois arraché l’Espagne à l’anarchie. Ce qui est certain, c’est que la division et l’animosité qui existent aujourd’hui ne peuvent que préparer des catastrophes nouvelles. ch. de mazade.

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V. de Mars.