L’électricité sert à nos correspondances ; demain peut-être l’air, employé comme moteur dans nos machines, remplacera la vapeur ; déjà la zoologie a trouvé le moyen d’empoissonner nos lacs et nos rivières par des fécondations artificielles.
De toutes ces sciences appliquées et popularisées de nos jours, certes l’histoire naturelle, la zoologie en particulier, n’est pas la moins curieuse, la moins remplie d’attrait ; c’est celle peut-être qui agrandit le plus l’esprit de l’homme par la contemplation de tous les êtres vivans, et qui dans tous les cas vient poser devant lui les plus sérieux problèmes. De là l’intérêt d’un livre comme les Souvenirs d’un Naturaliste, de M. de Quatrefages. On n’a point oublié ces études attrayantes, qui ont paru déjà dans ce recueil, et auxquelles l’auteur aurait pu donner, comme il le dit, le titre d’Essais de Zoologie et de Physiologie générales. Ce que M. de Humboldt a fait dans ses Tableaux de la Nature, M. Arago dans ses Notices, M. de Quatrefages, en suivant ces exemples, le fait dans ses Souvenirs. Il intéresse à la science, il dissimule les aspérités de l’étude et des détails techniques dans l’enchaînement d’un récit substantiel et varié. Dans les Souvenirs d’un Naturaliste, il y a le touriste, l’observateur et le savant. Étudier les mœurs des termites semblerait peut-être un travail quelque peu rebutant pour celui qui ne serait point initié ; M. de Quatrefages en fait le tableau le plus curieux entre la description des côtes de Saintonge et le récit du siège de La Rochelle. Les plus sérieuses questions d’embryogénie se mêlent aux détails pittoresques des mœurs du pays basque, à la peinture de ces simples et vigoureuses populations du nord de l’Espagne, et même aux discussions de linguistique sur l’idiome basque. Une excursion à Favignana, sur les côtes de Sicile, amène une étude sur la circulation chez les mollusques et les autres animaux. Ainsi va l’auteur, de l’archipel de Chausey en Sicile, de Favignana à Saint-Sébastien, sur les côtes d’Espagne, voyageant, observant et décrivant. Il en résulte un ensemble où la science est en quelque sorte replacée dans son cadre naturel : elle se mêle aux choses vivantes et animées, à la description et à l’histoire, au lieu de rester une analyse sèche et abstraite des phénomènes de la nature. Il y a sans doute des savans qui n’acceptent point, pour toute sorte de motifs peut-être, cette intervention de l’art de l’écrivain dans les études scientifiques ; ils n’admettent pas que d’autres rendent la science intéressante et amusante. Pourquoi n’en serait-il donc pas ainsi, pourvu que l’art de l’écrivain et la description du voyageur ne coûtent rien à la sûreté des notions scientifiques ?
C’est là au surplus une observation applicable à tous les arts qui se rattachent à l’inteUigence. On peut le dire de la philosophie comme de l’histoire, on peut le dire de la littérature elle-même : instruire et amuser sans manquer aux conditions de l’art, là est le difficile. Le malheur est qu’il ne semble plus rien rester du sens élevé et juste inhérent à ce simple mot : amusant. Toutes les conditions qui trouvent dans ce mot leur expression, on croit les avoir remplies en irritant les curiosités, en flattant des goûts grossiers, en offrant un aliment malsain à toutes les corruptions des esprits qu’enflamment les aventures romanesques. Voilà comment tant d’œuvres qui se croyaient sûres du succès, qui l’ont eu pour un jour en effet, ont fini par ne plus compter dans la littérature et par ne plus exciter même cette ardente