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Tu veux m’abandonner demain ; mais aujourd’hui encore tu es à moi, et dans tes beaux bras je veux être doublement heureux.

LXVII.

Les hussards bleus jouent de la trompette et chevauchent joyeux vers la porte de la ville. J’arrive, ma bien-aimée, et je t’apporte un bouquet de roses.

C’était un terrible vacarme. Quelle foule ! quel cliquetis d’armes ! Dans ton petit cœur aussi il y avait plus d’un logement militaire.

LXVIII.

Mes-tu réellement si hostile ? Réellement es-tu donc toute changée ? Je vais me plaindre à l’univers entier de ce que tu me traites si mal.

O lèvres ingrates, dites, comment pouvez-vous dire du mal de l’homme qui, dans les beaux jours, si amoureusement vous baisa ?

LXIX.

Ah ! voici encore les yeux qui naguère me saluaient si amicalement, et voici encore les lèvres qui remplissaient ma vie de douceur.

C’est aussi la voix que j’entendais si volontiers jadis. Moi seulement, je ne suis plus le même ; je suis revenu tout transformé.

Enlacé dans ses beaux bras blancs qui s’attachent à moi avec amour, je suis là sur son cœur, je suis là morne et ennuyé.

LXX.

Rarement, mes amis, vous m’avez compris ; rarement aussi l’ai pu vous comprendre. Le jour seulement où nous nous sommes rencontrés dans la boue, ce jour-là nous nous sommes compris sans peine.

LXXI.

Les castrats se sont plaints quand j’ai élevé la voix ; ils se sont plaints, disant que mon chant était trop grossier.

Et gracieusement ils firent entendre tous à la fois leurs petites voix flûtées et leurs petites roulades cristallines. Leur chaut était si fin et si pur !

Ils chantaient les désirs d’amour, ils chantaient l’amour et ses jouissances, et les dames fondaient en larmes, toutes pâmées devant ces merveilles de l’art.

LXXII.

Sur les boulevards de Salamanque, les airs sont doux et caressans ; c’est là que je me promène les soirs d’été avec ma gracieuse donna.