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Crois-moi, ô belle enfant, belle enfant merveilleusement belle, je vis et je suis plus fort que tous les trépassés ensemble..

XXII.

La jeune fille dort dans sa chambre ; la lune y regarde en tremblant. Au dehors, des voix et des instrumens chantent des airs de valse.

Je veux voir par la fenêtre qui peut ainsi troubler mon repos. — Un squelette est là, qui joue du violon et qui danse.

— Tu m’as promis naguère de danser avec moi et tu as manqué à ta parole. Aujourd’hui il y a bal au cimetière ; viens, nous y danserons ensemble.

Un désir effroyable saisit la jeune fille et l’entraîne hors de la maison. Elle suit le squelette qui marche devant elle, chantant et jouant du violon.

Il joue du violon, le squelette, il danse, et sautille, et fait cliqueter ses os, et de çà, de là, avec son crâne, fait maintes révérences sinistres au clair de lune.

XXIII.

J’étais plongé dans de sombres rêveries et je contemplais fixement son portrait, et l’image bien-aimée commença de se mouvoir et de vivre.

Sur ses lèvres se déploya un merveilleux sourire, et des larmes de douleur brillèrent dans ses yeux.

Moi aussi, mes larmes coulèrent le long de mes joues. — mon Dieu ! je ne puis croire que je t’aie perdue.

XXIV.

Ô malheureux Atlas que je suis ! il faut que je porte un monde, tout un monde de douleurs. Je porte ce qui ne peut se porter, et mon cœur est toujours près de se briser dans ma poitrine.

Ô cœur rempli d’orgueil, c’est toi qui l’as voulu ! Tu voulais être heureux, tu voulais être infiniment heureux ou infiniment malheureux, ô cœur rempli d’orgueil ! et maintenant tu es la misère même.

XXV.

Je rêvais, la lune jetait sur la terre un triste regard, et tristes semblaient les étoiles. Mon rêve me porta vers la ville où demeure ma bien-aimée, à bien des centaines de milles.

Il me porta vers sa maison ; je baisai les pierres de l’escalier, ces pierres qu’a touchées souvent son petit pied et le bord de sa robe.