Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

X.

Le vent souffle dans sa trompe ; la trombe d’eau fouette les vagues à coups redoublés, et les vagues burlent, les vagues mugissent et tonnent.

Du haut des nuées sombres coulent des torrens, des torrens de pluie ; on dirait que la vieille Nuit veut engloutir le vieil Océan.

La mouette vient se blottir sur le mât et pousse de petits cris, des gémissemens plaintifs. Elle ressent de profondes angoisses et s’apprête à prophétiser un malheur.

XI.

La tempête se met à jouer le branle ; elle siffle, elle hurle, elle gronde. Heisa ! comme le petit navire danse ! La nuit est joyeuse et terrible.

La mer furieuse forme une vivante montagne d’eau. Ici bâille un ténébreux abîme ; là, les flots se dressent comme une tour blanche.

Du fond de la cajute, on entend des cris, des malédictions et des prières. Je me tiens solidement attaché au mât et je me dis  : Je serais pourtant mieux chez moi.

XII.

La nuit vient ; le brouillard couvre la mer. Les flots bruissent mystérieusement. Alors, au loin, une forme se dresse du sein des ondes.

C’est la fée de la mer qui sort des flots ; elle s’assied près de moi sur la plage. Ses blanches épaules sortent de ses voiles entr’ouverts.

Elle m’enlace de ses bras, elle me presse, au point de me faire mal  : — Tu me presses trop fort, ô belle fée de la mer !

« Oui, je t’enlace de mes bras, je te presse avec ardeur ; je veux me réchauffer auprès de toi ; la soirée est si froide ! »

La lune apparaît pâlissante au sommet des nuées orageuses. — Ton regard devient plus trouble et plus humide, à belle fée de la mer !

« Il ne devient pas plus trouble et plus humide ; il est humide et trouble parce qu’en sortant des eaux, une goutte m’est restée dans les yeux ! »

Les mouettes poussent des cris plaintifs ; la mer se brise en grondant sur les falaises. — Ton cœur est agité de battemens sauvages, ô belle fée de la mer !

« Mon cœur est agité de battemens sauvages, de battemens sauvages mon cœur est agité, parce que Je t’aime plus que je ne puis le dire, toi mon bel amoureux de la race d’Adam. »