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n’oublierai jamais l’effet bizarre de ce dôme bleuâtre se détachant sur le fond jaune du ciel doré par les derniers rayons du soleil couchant, et noyant sa base dans les ombres vertes foncées et presque noires des prairies déjà plongées dans l’obscurité. J’aurais voulu voir aussi la lune se lever derrière ces murailles de verre, j’aurais eu sans doute un spectacle un peu analogue à celui dont je fus témoin une fois dans la vallée de Chamouny, lorsque j’aperçus les rayons de la lune, glissant le long de la cime du Mont-Blanc, venir éclairer de leur pâle lumière les bleuâtres pyramides du glacier des Bossons.

En arrivant à Sydenham, on se trouve au bas d’un beau parc qui remonte par des pentes assez douces jusqu’au pied des terrasses sur lesquelles s’élève le palais. Du débarcadère, une immense galerie vitrée conduit à couvert à l’aile du sud ; mais il est beaucoup plus agréable de traverser le parc coupé de belles pièces d’eau et accidenté par des mouvemens de terrain disposés avec goût. Au fond d’une petite vallée, sur le bord d’un lac factice, on aperçoit des représentations fort curieuses de ces monstres antédiluviens qui de l’état fossile ont été en quelque sorte ressuscites par le génie des Cuvier et des Geoffroy Saint-Hilaire.

La façade du palais est bordée de terrasses et d’escaliers aussi majestueux et aussi imposans que ceux de Versailles ; des statues en grand nombre les décorent ; à droite et à gauche de l’entrée du transept central règnent de larges galeries ouvertes sur le devant, d’où l’on peut jouir à l’aise, en s’asseyant, de la vue du parc qui se déploie à vos pieds, et au-delà de l’aspect riant des vertes campagnes du comté de Kent. Il est impossible, je crois, de rendre la vive émotion d’admiration et de surprise qu’on éprouve lorsque, se plaçant au centre de cet édifice immense, à la croisée du transept central et de la nef, on promène ses regards tout autour ou au-dessus de soi. Les mesures exactes de chacune des parties du bâtiment ne donneraient de cet effet d’ensemble qu’une idée imparfaite, car les chiffres parlent peu à l’imagination. Je ferai donc grâce des chiffres, et je dirai seulement que les tours de Notre-Dame pourraient s’abriter sous le dôme du transept central, et que le boulet d’une pièce de campagne tiré d’une extrémité de la nef n’atteindrait pas l’extrémité opposée. On peut encore se faire une idée de l’immensité de l’édifice par ce fait, que de l’un des balcons situés aux deux bouts il est presque impossible de distinguer si les personnes assises à l’autre bout sont des hommes ou des femmes.

Comme deux idées différentes ont présidé à l’établissement du palais de cristal, l’une d’instruction populaire, l’autre purement industrielle, on doit trouver deux divisions dans l’exposition. L’une, artistique et scientifique, est représentée par les collections d’animaux, d’arbres et de plantes, par les reproductions de monumens