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considérons la philosophie moderne ; nous y avons pris terre, il est vrai, mais nous sommes portés à la repousser du pied et à voguer vers d’autres rivages au premier souffle favorable, en lui jetant un adieu pour prix des instans de repos que nous y avons goûtés. » Comme Feuerbach et presque dans les mêmes termes, M. Hertzen, qui a très sincèrement embrassé, on le voit, le nouveau schisme philosophique, reproche à son ancien maître de n’avoir point oublié qu’il portait le costume des professeurs de l’université royale de Berlin, et d’être souvent en contradiction flagrante avec lui-même. Moins brillantes que les essais sur le Dilettantisme scientifique, les Lettres sur l’étude de la nature contribuèrent cependant beaucoup à répandre en Russie les idées de Hegel et de ses disciples. Un regret toutefois pouvait saisir le lecteur : pourquoi le spirituel écrivain ne consacrait-il point toute sa vigueur d’esprit à une œuvre de pure imagination ? La littérature russe aurait compté un beau roman de plus, et ce n’était point là un résultat à dédaigner.

M. Hertzen sembla comprendre ce que le public attendait de lui : des romans, des nouvelles se succédèrent bientôt, montrant sous les aspects les plus variés le talent qu’on n’avait vu se produire encore que sur le terrain des discussions abstraites. Nous l’avons dit, nous ne voulons aborder chez M. Hertzen l’appréciation du romancier qu’après avoir pleinement indiqué la valeur du publiciste. Nous nous bornons pour le moment à nommer À qui la faute ? le Docteur Kroupof, romans qui fondèrent la popularité de M. Hertzen, et qui remplirent, avec diverses nouvelles, l’époque de sa vie comprise depuis son départ de Russie jusqu’à son installation définitive à Londres. À partir du séjour à Londres et même un peu avant déjà, c’est l’écrivain politique qui prévaut sur le romancier, comme après le départ de l’université le disciple de Hegel s’était un moment seul révélé. Les écrits politiques de M. Hertzen, rapprochés de ses écrits philosophiques, nous aideront à préciser en quelque sorte le singulier milieu dans lequel s’est produite l’œuvre du conteur.

Les écrits politiques publiés en russe à Londres par M. Hertzen méritent surtout d’être interrogés comme offrant les libres jugemens d’un esprit inquiet, mais généreux et sincère, sur un pays qui souffre peu de telles révélations. M. Hertzen explique lui-même, dans une note accompagnant une de ses nouvelles qu’il n’a point terminée (le Devoir avant tout), les motifs qui l’ont décidé à écrire hors de son pays.


« J’envoyai, dit-il, la première partie de cette nouvelle à Pétersbourg au commencement de l’année 1848. Quoiqu’elle eût déjà été annoncée à plusieurs reprises dans une revue, on en défendit la publication ; mais il y avait alors à Pétersbourg un redoublement de sévérité en fait de censure.