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le nuage, elle verse sur le feu du sacrifice le suc nourricier de ses mamelles ; quel autre animal est doué comme elle de fécondité, généreux dans ses dons, prêt à livrer à la main qui le trait les trésors de son lait ? Le cheval a toutefois un rôle plus brillant ; n’est-ce pas lui qui précipite le combattant au milieu de la mêlée ? Les dieux des Aryens, comme ceux des Grecs, possèdent des chevaux infatigables aux belles couleurs. Indra arrive au sacrifice, traîné par deux coursiers azurés ; quelquefois ce noble animal est pris pour le char et même pour le dieu du soleil, à cause de sa marche rapide et de sa flottante crinière. Plus tard, il sera le symbole de la royauté suprême ; le prince victorieux de ses ennemis lancera à travers le monde un coursier que personne n’osera arrêter dans son élan impétueux. De retour près de son maître, ce coursier sera offert en sacrifice au milieu de cérémonies qui prendront le nom d’açvamédha (sacrifice du cheval).


II.

Le soleil Soûrya, celui qui marche à travers les cieux, nommé aussi Savitri, celui qui lance ses rayons, et Pouchan, le nourricier, est honoré par les Aryens à l’égal d’Agni et d’Indra. Ces trois dieux représentent le feu, l’éther et le soleil, illuminant à la fois le monde visible et l’intelligence des mortels : « C’est toi, Savitri, dit le poète, qui as créé, toi qui animes tous ces êtres bipèdes ou quadrupèdes. — O Savitri, couvre aujourd’hui notre maison de ta douce et invincible protection….. O soleil, donne-nous aujourd’hui le bonheur, demain le bonheur, chaque jour le bonheur ! » Ce brillant soleil de l’Inde «tend ses bras d’or vers le sacrifice ; » il a « des mains d’or » et aussi « une langue d’or. » Dès qu’il paraît, le ciel revêt la couleur du précieux métal. « Le divin Savitri se lève, et développe la forme d’or qu’il a revêtue.» — Et ailleurs : «Que le divin et opulent Savitri arrive, remplissant les airs et traîné par ses chevaux, ayant dans ses mains tous les biens des mortels et donnant la vie aux êtres ! — Que ses bras d’or, longs, étendus, atteignent les frontières du ciel ! La grandeur de Savitri éclate dans le soleil, et elle est l’objet de nos louanges….. — Que le puissant et divin Savitri, maître de la richesse, nous accorde l’opulence sous cette forme lumineuse qui apparaît dans l’espace ; qu’il nous dispense les biens qui conviennent aux mortels !… »

Il y a dans les hymnes adressés au soleil une solennité particulière, un mouvement calme analogue à la marche régulière de l’astre qui poursuit son cours d’un pas égal. On sent la profondeur des horizons et le silence du matin dans ce réveil du dieu qui tend ses bras