brillera sur la terre ; il aura des enfans qui à leur tour offriront des sacrifices à ses mânes. Enfin ne semble-t-il pas que l’officiant, après avoir jeté dans les flammes le beurre clarifié, le regarde avec une confiante admiration s’élever vers le ciel, enveloppé dans ce même feu qui monte dans l’air au milieu de la fumée, comme le soleil avec son cortège de nuages dorés ? Puis voyez comme cette flamme, qui brillait d’abord sur l’autel sous une forme restreinte, s’élève, s’agrandit, et prend tout à coup des proportions gigantesques. « De larges rayons, brillans comme des éclairs, enveloppent Agni, centre des clartés ; le centre où il repose est comme la caverne (du lion), et ses flammes y puisent d’immortels alimens, de même qu’au sein d’un volcan profond. » Dans ces deux exemples, il y a une grande différence de ton ; Agni, présenté d’abord comme l’esprit divin absorbant l’offrande, apparaît ici comme le symbole abstrait du feu, redoutable, puisant sa force en lui-même. C’est ainsi que dans la poésie indienne les images se succèdent, se pressent, se croisent comme des éclairs à travers le ciel. Chaque phrase renferme un sens allégorique ; chaque allégorie se transforme bientôt en légende. De ce que le Feu est honoré le premier dans les hymnes du Rig, les commentateurs vont conclure qu’il est le premier et le dernier, l’alpha et l’omega du bataillon divin ; il est l’Olympe tout entier, il conduit les divinités en qualité de chef, que dis-je ? de général d’armée (sénapati), et le voilà doté d’un char ! «Agni, sur ton char bienheureux, amène les dieux ! » Puis le chantre inspiré, après avoir lancé ces accens énergiques qui expriment si bien une ardente prière, s’adresse à ceux qui pratiquent la cérémonie sous sa direction :
« Mortels éclairés, étendez le gazon sacré ; qu’il soit arrosé de beurre à l’endroit où les dieux vont venir prendre leur ambroisie. — Qu’elles s’ouvrent, les portes divines (de l’enceinte sacrée) que le sacrifice sanctifie, qu’elles s’ouvrent aujourd’hui pour la pieuse cérémonie. — J’appelle à ce sacrifice la belle Nuit et la belle Aurore. Qu’elles viennent toutes deux prendre place sur cette herbe couçâ[1] … Que les trois déesses qui apportent la joie, Ilâ, Sarasvati et Mahî, daignent sans crainte s’asseoir sur ce couçâ. — J’appelle ici le grand Tvachtri, qui sait revêtir toutes les formes ; qu’il soit notre ami… »
Quelle douce piété, quelle foi sincère dans ces invocations ! On croit voir les dieux arriver sans bruit avec leurs grandes ailes, et prendre place au banquet. Il n’y a pas de temples ni de pagodes ; l’autel est un tertre de gazon environné d’une enceinte autour de laquelle siègent les officians et la famille qui, par leurs mains, présente les libations aux divinités. Les trois déesses nommées ensemble
- ↑ Espèce de graminée, poa cynosuroïdes. — Les mots entre parenthèses sont ceux que le traducteur ajoute d’après l’indication des commentaires.