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oculaire, c’est presque un acteur des événemens qui nous en parle par sa bouche.

On compterait difficilement tous les Huns sortis des colonies danubiennes qu’éleva le hasard ou le mérite à de hauts grades dans la milice romaine ; il nous suffira de citer Acum, maître des milices d’Illyrie, — Mundo, petit-fils d’Attila et lieutenant de Bélisaire, — le patrice Bessa, dont les services furent obscurcis par la cupidité, — » deux frères, Froïlas et Blivilas, celui-là maître des milices, celui-ci duc de la Pentapole : tous deux ainsi que Bessa venaient de la colonie du Château de Mars. La faveur qui environnait les Huns fédérés à la cour de Constantinople pendant la première moitié du VIe siècle ne peut se comparer qu’à celle dont jouirent les Goths un siècle auparavant, sous les règnes d’Arcadius et de Théodose II. On leur prodiguait les dignités et les commandemens, on singeait leurs manières, on s’engoua même de leur costume. Les jeunes Byzantins à la mode, les élégans factieux du parti des verts, se faisaient couper les cheveux très ras sur le front, à la façon des Huns, et portaient la tunique et le large pantalon en usage chez ce peuple[1]. Justinien lui-même affectionnait ce vêtement, qui figura avec honneur sous les tentes de Bélisaire et de Narsès. S’il arrivait qu’un de ces petits rois huns, cédant aux amorces de la cour de Byzance, consentît à recevoir le baptême, c’était une bonne fortune pour la politique romaine autant au moins que pour le christianisme. La ville, tout l’empire même, se mettaient en fête ; l’empereur était ordinairement parrain, l’impératrice marraine, et le monde chrétien assistait au spectacle assurément fort curieux d’un successeur de Constantin tenant sur les fonts du baptême quelque petit-fils d’Attila.

On aimerait à suivre dans l’histoire, très confuse et très incomplète de ce temps, les vestiges du pacifique Hernakh, sur qui Attila fondait l’espoir d’une longue postérité. La prédiction s’est-elle accomplie, et sommes-nous tenus de croire comme les Huns à l’infaillibilité de leurs chamans ? Que devinrent Uzendour et Emnedzar, doublement frères d’Hernakh et fidèles compagnons de sa fortune ? lui restèrent-ils toujours unis ? Le temps a jeté sur toutes ces destinées un voile qui ne se lèvera plus. Nous sommes un peu moins ignoi-ans sur le compte de Gheism, qu’Attila avait eu de la sœur d’Ardaric, roi des Gépides. L’histoire nous le montre d’abord retiré en Gépidie près de son oncle, où il vit tranquillement avec son petit peuple dans la condition de vassal. Son fils Mundo ou Mundio, dont le nom rappelle Mundiuk[2], père d’Attila, lui succède dans le gouvernement de sa tribu et dans la faveur des rois gépides. Cette faveur ne se démentit

  1. Procop, Hist. Art. 7.
  2. Le nom du père d’Attila est écrit Mundiukh par Priscus, et Mundzuc par Jornandès — C’est Jornandès qui nous donne pour le fils de Gheism les deux formes Mundo et Mundio.